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31 mai 2018

HOMMAGE À SERGE DASSAULT

Serge Dassault était ingénieur de l’armement. On le sait peu mais nous sommes très fiers de le compter parmi nos grands anciens.

Je l’ai peu connu personnellement, il ne se souviendrait sans doute pas de moi, mais mieux connu professionnellement à travers de multiples réunions au niveau du DGA dont j’ai été conseiller technique et preneur de notes silencieux. A cette époque (fin des années 80) il avait du mal à être pris au sérieux et l’avenir de la « Maison Dassault », comme on disait dans la DGA avec un mélange de respect, d’affection et d’agacement devant tant d’obstination à rester à l’écart des grandes manœuvres industrielles qui commençaient, paraissait en question.

J’ai été très impliqué dans le développement du Mirage 2000, puis ingénieur de marque du programme RAFALE dans sa phase de démonstration-définition avant de rejoindre le cabinet du DGA, et donc l’avenir de la « Maison Dassault » me tenait à cœur à moi jeune ingénieur en chef. « Nos » industriels c’étaient « nos petits », pas toujours obéissants envers la mère nourricière DGA mais « nos petits » quoiqu’il arrive. Dassault c’était beaucoup la France et la France c’était nous tous des Corps de l’Armement dans ou hors la DGA comme Serge Dassault !

J’avais moi-même commis des notes à mon DGA soulignant les risques de notre stratégie avions de combat qui avait fait l’objet de débats plus qu’animés, stratégie dans laquelle j’étais d’ailleurs lourdement compromis. Effondrement de l’exportation de nos avions de combat, isolement au niveau européen, incertitude des financements Mirage 2000-5 pour l’exportation et du Rafale pour nos armées. On se battait le dos au mur comme le disait Yves Sillard.

C’est alors que, et les péripéties en sont bien connues, Monsieur Dassault comme l’appelaient respectueusement ses salariés, Serge comme on l’appelait à partir d’un certain rang dans son entreprise, est devenu PDG de la « Maison Dassault ». Après avoir tout fait pour s’y opposer le tout Paris ne donnait pas cher ni de l’un ni de l’autre. Les ailes faiblissaient, le centre était enfoncé, les munitions (les budgets) s’épuisaient, était-ce vraiment le moment d’attaquer ? Pour les observateurs dits avertis c’était « fichu » surtout avec un patron aux propos paraissant parfois incongrus.

Je me souviens d’avoir été interviewé par un journaliste très connu qui préparait un article sur Dassault car je passais pour un bon connaisseur du sujet. J’avais été témoin de la mythification de Marcel Dassault dans son entreprise et je dis à ce journaliste que le fils aura fort à faire pour s’imposer, surtout dans le contexte difficile de l’époque que je viens de rappeler. J’ai dû employer la formule de « dé-Marcellisation » formule qui lui avait bien plu.

On connait la suite, l’héritage a été brillamment assumé, et malgré les doutes la Maison Dassault « is still alive and well » déjouant bien des pronostics.

Ce qui m’avait le plus frappé dans la vie de son père c’est le nouveau départ après les terribles épreuves subies par sa famille pendant la seconde guerre mondiale, à un âge où de nos jours on nous suggère fortement de songer à la retraite ….. Ce qui frappe dans la vie de Serge Dassault c’est cette même volonté de faire face dans l’adversité et de faire confiance à la bonne étoile. Le trèfle à quatre feuilles est l’emblème de la société comme on sait. Un de ses proches collaborateurs nous expliquait qu’elle avait été donnée pour morte plusieurs fois dans son histoire mais qu’à chaque fois un contrat export l’avait sauvée. La baraka, mais la baraka ça se travaille et ça se mérite !

Un jour je fus invité à son quarantième anniversaire de mariage. Je ne revenais pas d’être jugé digne de cet évènement intime, moi simple ingénieur en chef des « services » comme il disait, ce qui avait le don de nous horripiler. Nous fûmes au moins cinq cent ou mille en arrivant au port à Vaucresson, mais qu’importe, nous avons passé une très bonne soirée et pu apprécier la simplicité de notre hôte. Son robuste bon sens et ses propos souvent politiquement très incorrects étaient … déconcertants, mais ce grand industriel et ce haut personnage était resté très simple.

Alors cher camarade, merci et bravo pour tout, reposez en paix, vous avez bien mérité de la patrie. 

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