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01 juin 2022

L’UKRAINE ET LES INGÉNIEURS DE L’ARMEMENT

Le récent conflit ukrainien a fait ressortir des méandres de l’histoire une situation que nos concitoyens et, avouons-le, même nous, ingénieurs de l’armement, avions crue révolue depuis longtemps : un conflit de haute intensité sur le sol européen.


Certes, le dernier livre blanc a adressé un premier signal d’alarme sur la résurgence de ce risque, relayé depuis plusieurs années par les interventions de nos CEMA qui soulignaient la nécessité de s’y préparer. La loi de programmation militaire 2019-2025, dont on peut souligner jusque-là son respect par les autorités politiques, constituait un premier élément de prise de conscience. Cependant, comme nous le savons, les croissances budgétaires les plus importantes sont encore devant nous. De plus, le récent rapport d’information parlementaire Miralles-Thiériot vient de souligner que cet effort n’était pas suffisant et qu’il fallait le poursuivre en l’amplifiant jusqu’en 2030 au moins, précédant en cela les récentes annonces formulées récemment par de nombreux partenaires européens (Allemagne, Italie, Espagne, Scandinavie …).

La nouvelle équipe gouvernementale et le parlement qui sortira des urnes en juin prochain auront donc la lourde tâche de définir et d’adopter un nouveau livre blanc et une nouvelle LPM afin de répondre au mieux à cette nouvelle donne stratégique. Tous les acteurs de la défense seront donc conduits à soutenir nos autorités politiques dans cette difficile mission : tout d’abord les armées, avec le support de la DGA, dans la définition des futures menaces à prendre en compte et des capacités opérationnelles nécessaires à leur traitement, puis la DGA, avec le support de l’industrie, dans la fourniture de ces capacités opérationnelles par le développement et la réalisation des systèmes d’armes les plus adaptés. 

C’est donc à ce titre que nous, ingénieurs de l’armement de la DGA et du Ministère des Armées mais également de l’Industrie, devons remplir au mieux notre mission au profit de nos forces armées et, plus largement de la nation. La responsabilité première incombe naturellement à la DGA et à ses ingénieurs de l’armement, en traduisant les besoins opérationnels exprimés en un document unique de besoin et en assurant avec efficacité leur responsabilité de maîtrise d’ouvrage. L’industrie de défense, où de nombreux ingénieurs de l’armement œuvrent également avec engagement, joue également un rôle essentiel : tout d’abord, en éclairant la DGA sur l’évolution des capacités technologiques et industrielles pour l’optimisation des spécifications de besoin, puis bien entendu dans le développement et la réalisation effective des systèmes d’armes.

On voit donc ici le rôle éminent que joue le Corps de l’Armement au profit de l’État et de la Nation par ses membres présents, tant au sein de la DGA que de l’industrie. Même si, bien entendu, nous devons faire face quelquefois à des difficultés de réalisation, le système de défense français a démontré son efficacité depuis de nombreuses années par la performance de ses forces armées et par la qualité de ses matériels, largement reconnue en France et auprès de nos clients export.

Cette efficacité est le résultat d’une organisation étatique rodée depuis plusieurs décennies et d’une politique industrielle efficiente reposant notamment sur des relations État-Industrie gagnant-gagnant et globalement équilibrées. Toujours fragile, cet équilibre est indispensable à la réussite de ce modèle. Là encore, les ingénieurs de l’armement ont un rôle essentiel à jouer : ainsi, les IA de la DGA doivent comprendre au mieux les problématiques industrielles de leurs fournisseurs. A ce titre, l’affectation temporaire en début de carrière des IA dans l’industrie est une excellente disposition qu’il convient de maintenir, voire de renforcer. De même, les IA de l’industrie doivent faire comprendre à leurs collègues les contraintes de toute nature, notamment administratives, qui s’imposent à la DGA.

Enfin, comme vous le savez, à l’issue de la remise du rapport Berger – Guillou – Lavenir, l’important projet de réforme des corps techniques de l’État est en cours d’analyse par les services du Premier Ministre. Nous traitons ce sujet dans un article spécifique de ce magazine. Je formule ici simplement le vœu que les décisions qui seront prises ne conduisent pas à un affaiblissement de cet écosystème défense et de son modèle État-Industrie associé mais au contraire le renforce par une amélioration de l’attractivité du corps de l’armement et une meilleure exploitation de ses membres au service de l’État. C’est seulement à cette condition que cette réforme aura atteint son objectif ! 

Olivier Martin, IGA

Président de la CAIA

 

Auteur

Olivier Martin a débuté sa carrière en 1983 à la DGA notamment comme Directeur du programme Mesures du BEM Monge, puis responsable Allemagne, Italie, Pays-Bas, Scandinavie à la Délégation aux Relations Internationales.
En 1991, il rejoint Matra Défense comme Directeur des Opérations Internationales, puis responsable Business Development du secteur anti-surface, puis directeur des programmes anti-surface.
En 2003, il dirige l’entité Defence Electronics France d’EADS, puis la stratégie de l’entité DS SAS d’EADS.
En 2007, il rejoint MBDA en tant que Secrétaire Général du groupe.
En 2021, il crée la société de conseil ICARION Consulting dont il est le Président.

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