LES MULTIPLES FACETTES DE LA DUALITE
Notre association a retenu le thème de la dualité entre le civil et la défense pour ce présent numéro. Ce choix est particulièrement bienvenu pour de nombreuses raisons.
Tout d’abord, cette édition sort à l’occasion du Salon de l’Aéronautique et de l’Espace, qui réouvre ses portes cette année après une coupure de 4 ans. Le spectacle admirable proposé lors de ce salon illustrera clairement la dualité de ce secteur industriel majeur de notre pays, permettant à ces industriels d’être des champions européens et mondiaux, que ce soit dans le domaine des avions, des hélicoptères, des lanceurs et des satellites. Si certaines de ses activités semblent actuellement bousculées (les lanceurs civils), voire présentes de façon trop embryonnaire (les drones), des actions récentes donnent l’espoir d’une évolution positive dans ces derniers domaines. Ce secteur industriel, dont le bilan économique et financier reste très largement positif constitue un fer de lance majeur et une fierté pour notre pays.
Par ailleurs, si le secteur de la défense a pendant longtemps nourri le secteur civil de ses innovations technologiques, ce flux s’est aujourd’hui largement inversé. En effet, le développement des nouveaux systèmes de défense s’appuie aujourd’hui de plus en plus sur les avancées techniques du secteur civil, notamment dans les domaines de l’électronique et des technologies de l’information. Une illustration frappante en est donnée depuis 2022 par l’armée ukrainienne qui résiste à l’offensive russe, grâce aux matériels de défense mis à disposition par les pays occidentaux, mais également par l’apport de capacités issues du monde civil et adaptées à un emploi militaire (traitement des données, systèmes de communication temps réel, drones civils …).
Cet apport du secteur civil au secteur de la défense est quadruplement essentiel :
- Il permet tout d’abord d’entretenir les compétences et l’activité de nombreuses entreprises qui, sans leurs activités civiles, ne pourraient préserver le niveau d’expertise et la performance de leurs bureaux d’études et de leurs équipes de production, nécessaires pour pouvoir offrir aux forces armées françaises les matériels performants répondant à leurs besoins, compte tenu du cycle de vie des matériels de défense.
- Il offre ensuite aux entreprises de défense, maitres-d ’œuvre ou fournisseurs de premier rang, un accès à des innovations clés grâce au développement dans notre pays de start-ups et de PME technologiques innovantes. Bien évidemment, cette coopération entre ces deux familles d’acteurs doit rester la plus équilibrée possible. Tel est le besoin clair des start-ups et des PME, mais tel est également l’intérêt bien compris des grands comptes.
- Il offre la possibilité d’accélérer significativement les temps de développement des systèmes d’armes par l’utilisation de matériels déjà développés et souvent éprouvés. Cette accélération de la mise à disposition des armées de ses nouveaux matériels est en effet un axe d’effort majeur pour l’industrie de défense.
- Il permet enfin de réduire significativement le besoin de financement des futurs systèmes d’armes, le secteur de la défense devant supporter le développement des seules technologies spécifiquement militaires (charges militaires, matériaux furtifs, discrétion acoustique, propulsion hypersonique…) et des seules adaptations des technologies civiles à leur emploi dans un environnement militaire (électronique, matériaux, logiciel, propulsion classique…). Cela permet de rendre abordable le maintien de notre autonomie stratégique.
Enfin, cette dualité constitue une richesse intrinsèque significative de notre Corps et de ses ingénieurs. Bien entendu, les ingénieurs de l’armement, qu’ils œuvrent dans les secteurs public ou privé, sont avant tout des ingénieurs travaillant pour le développement et la fourniture des systèmes de défense souverains de nos forces armées. Pour une grande partie, ils doivent le rester car la DGA et l’industrie de défense ont besoins d’ingénieurs, de cadres et de dirigeants compétents pour satisfaire au mieux les besoins de nos forces.
Cependant, leurs compétences riches et solides acquises dans le secteur de la défense peuvent être également et fort utilement exploitées dans d’autres domaines nécessitant notamment une maitrise du développement et de la réalisation de systèmes complexes et stratégiques reposant sur une multitude de technologies critiques. A titre d’illustration, de nombreux ingénieurs de l’armement furent sollicités pour assurer dans l’urgence des missions étatiques majeures à l’occasion de la crise du COVID tandis que d’autres ont été retenus depuis plusieurs années pour occuper des fonctions éminentes, au sein de l’Administration ou de grandes entreprises françaises et européennes, dans les secteurs du nucléaire civil, de l’aéronautique civile et du spatial, de la sécurité et de la cybersécurité...
Cela souligne l’importance des grands corps techniques de l’Etat et d’une bonne mise en œuvre de la réforme de ces corps souhaitée par le gouvernement. Cette dernière doit renforcer l’attractivité des grands corps techniques, favoriser la mobilité de ses ingénieurs et valoriser leurs compétences, pour le bien de l’Etat et de la Nation. Tel est l’un des vœux les plus chers de la CAIA ! Agissons ensemble pour qu’il puisse être exaucé.
Auteur
En 1991, il rejoint Matra Défense comme Directeur des Opérations Internationales, puis responsable Business Development du secteur anti-surface, puis directeur des programmes anti-surface.
En 2003, il dirige l’entité Defence Electronics France d’EADS, puis la stratégie de l’entité DS SAS d’EADS.
En 2007, il rejoint MBDA en tant que Secrétaire Général du groupe.
En 2021, il crée la société de conseil ICARION Consulting dont il est le Président.
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