La réglementation REACH :
Un accélérateur d’obsolescences… et d’innovations
Le règlement REACh impose des contraintes aux conséquences potentiellement importantes sur les programmes d’armement. La solution fiable est de trouver des substituts aux substances interdites ou qui sont susceptibles de le devenir. Pour cela, une seule posture à adopter : anticiper.
Le règlement européen n°1907/2006 « Registration, Evaluation, Authorization of Chemicals », dit « REACh » a été promulgué en 2007. Son influence est maintenant réelle, les premières interdictions de substances étant effectives depuis l’été 2014. Dit brièvement, ses objectifs sont de recenser les substances chimiques utilisées en Europe (dans les produits comme en phases de production), puis d’en interdire progressivement les plus dangereuses, pour la santé humaine ou l’environnement. Une fois recensées, les substances les plus préoccupantes sont inscrites au « registre d’intention », puis dans la « liste candidate », et enfin dans l’annexe XIV, avec une date de bannissement associée.
Ces interdictions de substances font disparaitre des solutions technologiques. L’enjeu pour la Défense peut alors aller jusqu’à l’impossibilité de fabriquer un constituant parfois essentiel d’un système d’arme. Comme par exemple le canon d’un véhicule blindé. Là, le coupable est le trioxyde de chrome, essentiel dans le traitement de surface des métaux, mais qui sera interdit à partir de 2017.
Face à cela, la substitution est la meilleure solution. Voire la seule qui soit pérenne. Encore faut-il qu’un substitut soit identifiable et qualifiable avant l’entrée en vigueur de l’interdiction : ce n’est pas toujours le cas.
Afin de gagner le temps nécessaire pour substituer (ou atteindre la fin de vie), il existe deux autres solutions temporaires :
- La première est l’autorisation, pour un usage précis. Elle doit faire l’objet d’une demande argumentée auprès de l’agence européenne des produits chimiques (ECHA). Son instruction est longue, environ 18 mois, et ce délai s’ajoute à la durée nécessaire au montage du dossier (un à deux ans). Cette solution est couteuse, de 150 k€ à plusieurs millions d’euros, selon le dossier. La durée de validité de l’autorisation est limitée à quelques années (4, 7 ou 12 ans). Et personne ne peut prédire quelle sera la décision finale.
- La seconde est l’exemption défense, accordée uniquement sur le territoire national pour les intérêts de la Défense nationale. On pourrait penser que c’est la solution toute trouvée pour les systèmes d’armes : fausse bonne idée à laquelle il faut tordre le cou, car l’exemption implique un risque juridique nettement plus conséquent. Au lieu d’un organisme indépendant (ECHA) validant que les avantages de continuer à utiliser la substance, notoirement dangereuse, l’emportent sur les risques, cette décision est prise par l’Etat, pour ses besoins propres… De quoi rendre frileux les Ministres en charge de la Défense et de l’Environnement, qui cosignent… ou pour le moins, de quoi justifier l’exigence d’un dossier de maîtrise des risques particulièrement argumenté.
L’anticipation est donc la clef pour REACh. Anticiper pour identifier le risque et le traiter. Car identifier le risque n’est pas si simple : il faut notamment relier le nom chimique, souvent peu connu, au nom usuel. Cela suppose également une communication importante dans la chaîne d’approvisionnement.
Le faire très tôt permet de répondre aux consultations publiques de l’ECHA. Souvent négligée, cette action permet de faire connaitre les usages problématiques, et ainsi tenter de retarder, voire éviter, une interdiction. A cette fin, la DGA entretient, avec l’aide des industriels volontaires, une base de données reliant les substances aux usages Défense. Elle peut ainsi faire valoir les intérêts Défense, en se coordonnant avec les industriels concernés et d’autres ministères de la Défense en Europe.
REACh est encore en mouvement. Les interdictions de substances évoluent et continueront d’évoluer encore longtemps. Mais il y a un avantage à tout ceci : en faisant disparaitre des solutions utilisées parfois depuis des dizaines d’années, REACh contribue à supprimer la barrière à l’entrée de technologies innovantes, qui peuvent se révéler plus performantes !
Xavier Grison, IGA, Responsable du pôle « Matériaux, Composants et Maîtrise des risques environnementaux »
Après l’X et une thèse en physique des solides, Xavier Grison a commencé à la DGA comme responsable des études sur les MEMS (ou microsystèmes), puis à différents postes relatifs à l’électronique. Il devient ensuite responsable du pôle « matériaux & composants », auquel viendront s’ajouter un peu plus tard les thématiques environnementales : écoconception et respect des réglementations, dont REACh.
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