LA SANTÉ ANIMALE SOUS HAUTE SURVEILLANCE !
Quel lien entre santé animale et santé humaine ? Du virus Zika à celui de la grippe aviaire, les nouvelles émergences virales ont souvent fait la une des journaux ces derniers mois. Au cœur du dispositif sanitaire, les laboratoires nationaux de référence (LNR) œuvrent au quotidien pour la maîtrise de la santé publique vétérinaire : confirmation des cas et foyers détectés sur le territoire, développement et standardisation des réactifs et tests de diagnostic, sans oublier la surveillance des agents pathogènes identifiés.
Les services de contrôle du ministère en charge de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt s’appuient sur un réseau de laboratoires officiels, constitué principalement par les laboratoires nationaux de référence (LNR) et les laboratoires d’analyses agréés :
- les laboratoires agréés réalisent les analyses officielles en santé animale, en hygiène des aliments et en santé des végétaux. Il s’agit, à titre principal, des laboratoires vétérinaires départementaux (LVD), agréés pour les analyses des programmes de surveillance et de dépistage. Lorsqu’une nouvelle méthode officielle est publiée pour un type d’analyse donné, les laboratoires agréés pour ce type d’analyse disposent d’un délai de dix-huit mois à dater de la publication pour obtenir l’accréditation relative à cette méthode. Les coordonnées des laboratoires agréés en santé animale sont disponibles sur le site du ministère : http://agriculture.gouv.fr/laboratoires-agrees-et-methodes-officielles-en-sante-animale ;
- les LNR sont spécialisés dans un ou plusieurs domaines de compétences. Ils assurent la mise au point et la diffusion de méthodes, la formation technique des laboratoires de terrain, l’organisation d’essais inter-laboratoires, la diffusion de réactifs certifiés, la confirmation de résultats, etc. L’Anses possède onze laboratoires implantés sur tout le territoire, qui exercent leurs activités dans trois grands domaines : santé et bien-être des animaux, sécurité sanitaire des aliments et santé des végétaux (www.anses.fr/fr/rubrique_laboratoire).
RETOUR D’EXPÉRIENCE SUR LE TRAVAIL À L’ANSES |
Dans mes activités quotidiennes au sein du Laboratoire de santé animale de l’Anses, j’apprécie la diversité des missions qui nous sont confiées : il s’agit en premier lieu de suivre les suspicions en lien étroit avec les laboratoires agréés, le ministère de l’Agriculture, et parfois l’Agence nationale de santé publique pour les foyers zoonotiques. Développer de nouveaux outils applicables au diagnostic est un autre challenge motivant. Dans notre unité, les activités liées aux agents de la menace biologique nous ouvrent des collaborations très porteuses avec plusieurs services du ministère de la Défense. Les missions d’expertise collective et la réalisation d’investigations (appelées « appui technique et scientifique » ou « saisine ») sont aussi très enrichissantes : elles consistent à synthétiser des connaissances, réfléchir sur les stratégies de contrôle et de lutte applicables en santé animale et proposer des recommandations basées sur une réflexion et une démarche scientifique. Enfin, le volet international offert par l’animation de réseaux de laboratoires européens et internationaux (FAO/OIE) permet une ouverture sur d’autres équipes, d’autres contextes : dans ce cadre, nous organisons des formations, des séminaires regroupant les LNR de plusieurs pays et nous participons à plusieurs projets de recherche multipartenariaux. Bref, tout un programme pour s’épanouir au quotidien ! |
La surveillance s’organise!
La surveillance épidémiologique en santé animale est la « méthode fondée sur des enregistrements permettant de suivre de manière régulière et prolongée l’état de santé ou les facteurs de risque d’une population définie, en particulier de déceler l’apparition de processus pathologiques et d’en étudier le développement dans le temps et dans l’espace en vue de l’adoption de mesures appropriées de lutte » (Toma et al, 2010. Epidémiologie appliquée, AEEMA éditeur, 600 p.). Plusieurs textes européens encadrent la surveillance en santé animale. Depuis plus de 50 ans, la directive 64/432/CEE modifiée fixe les exigences de police sanitaire applicables aux échanges intra-communautaires d’animaux des espèces bovine et porcine. En 2016, le Parlement européen et le Conseil ont adopté une nouvelle législation sur les maladies animales transmissibles (Animal Health Law, règlement UE 2016/429, 283 articles) qui prévoit de nouveaux outils de notification et surveillance des épizooties, incluant notamment une plus large utilisation des nouvelles technologies pour la surveillance des agents pathogènes, l’identification électronique et l’enregistrement des animaux. Ce texte sera applicable dans cinq ans dans tous les États membres de l’Union. Enfin, pour les maladies réglementées (comme la brucellose ou la tuberculose), des textes spécifiques nationaux décrivent les tests officiels et notifications des plans de lutte nationaux. Ces textes évoluent régulièrement en fonction du statut sanitaire du pays et des outils disponibles. Au niveau national, une plateforme nationale de surveillance épidémiologique en santé animale réunit depuis 2011 les acteurs professionnels et gouvernementaux impliqués dans les filières animales, afin de participer à l’amélioration des dispositifs de surveillance, faciliter la centralisation des données sanitaires et contribuer à l’analyse de ces données.
Exemple: Surveillance et police sanitaire de la surveillance de la brucellose bovine |
La France est reconnue officiellement indemne de brucellose bovine depuis 2005 (décision CE/2005/764). Alors qu’aucun cas n’avait été détecté depuis 2003, deux cas de brucellose bovine ont été détectés en 2012 (l’un dans le Pas-de-Calais lié à l’introduction d’un bovin depuis la Belgique, l’autre dans le massif du Bargy lié à la faune sauvage). Les modalités actuelles de la surveillance et de la lutte contre la brucellose bovine ont évolué avec le statut sanitaire de la France et un allègement des mesures s’est mis en place avec l’éradication de la maladie. Actuellement, la surveillance programmée (dite « prophylaxie collective ») repose sur la déclaration et l’investigation des avortements (signe précoce de la maladie), ainsi que sur un dépistage sérologique (sur sang ou lait de tank) annuel de l’ensemble des cheptels bovins (au moins 20 % des animaux de plus de deux ans). S’ajoutent une surveillance évènementielle (déclaration obligatoire des avortements) et des contrôles à l’introduction d’animaux dans les exploitations, qui visent à s’assurer du statut « officiellement indemne » de la France (Arrêté du 22 avril 2008 modifié ; Perrin et al., 2015. Bull. épidémiologique, 71 :12-16). |
Développement d’outils : les approches moléculaires en plein essor.
À ce jour, des données de séquençage couvrant l’intégralité du génome de plusieurs centaines de souches sont accessibles dans les bases de données publiques et ceci pour de nombreux agents pathogènes. De telles données permettent de caractériser de façon très discriminante les souches circulant sur le territoire et leur évolution. Récemment, le projet « Franthracis » s’est intéressé à Bacillus anthracis, avec le séquençage de 120 souches de la collection Anses. Les données produites ont été déposées dans les archives publiques (Girault G et al., 2014. BMC Genomics, 15 : 288). Les travaux réalisés ont permis d’identifier des marqueurs spécifiques des sous-lignées présentes en France et de développer un outil de typage utile pour investiguer l’apparition de nouvelles souches, d’identifier les souches les plus proches et d’en préciser l’origine. Récemment, une analyse phylogénétique a été réalisée dans le cadre d’un appui scientifique et technique demandé par le ministère de l’Agriculture, suite à un épisode de fièvre charbonneuse en Moselle, au cours de l’été 2016 (6 élevages, 30 bovins morts entre le 16 juillet et le 27 août, 6 communes touchées). La diversité génétique des souches de cette région est encore mal connue (seules quelques souches de Moselle sont présentes dans la collection). Le séquençage de 5 souches (issues de 5 élevages) a permis de montrer que les souches étaient très proches entre elles sur le plan génétique. Les souches isolées se positionnent sur une même branche de la lignée B.Br.CNEVA. C’est la première fois que des souches isolées en France sont positionnées sur cette branche.
« LES LABORATOIRES DE RÉFÉRENCE DÉVELOPPENT DES OUTILS DE TYPAGE GÉNOMIQUE UTILISÉS POUR DES INVESTIGATIONS ÉPIDÉMIOLOGIQUES ET PHYLOGÉOGRAPHIQUES »
Grâce à leurs missions d’expertise, de surveillance épidémiologique, d’alerte et d’assistance scientifique et technique, les LNR assurent un rôle essentiel dans la connaissance des dangers et la collecte des données issues des réseaux de laboratoires agréés. Avec le développement d’outils haut-débit, ces laboratoires ouvrent la voie à de nouvelles méthodes d’investigation, à la croisée des activités de référence, de la recherche appliquée au diagnostic et de l’épidémiologie moléculaire.
Claire PONSART, Chef de l’unité des zoonoses bactériennes du laboratoire de Santé Animale de l’ANSES | |
Vétérinaire de formation, Claire PONSART est en charge des zoonoses bactériennes au Laboratoire de Santé Animale, à Maisons-Alfort, depuis 2014. Cette unité assure des missions de recherche et de référence dans les domaines de la brucellose, la chlamydiose, la fièvre charbonneuse, la morve, la mélioïdose, la tuberculose et la tularémie. |
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