LES DRONES, UNE RÉVOLUTION CAPACITAIRE
DES PROGRAMMES EN COHÉRENCE
L’une des principales missions de la DGA est d’équiper les armées en développant des systèmes d’armes qui répondent aux besoins des militaires pour exercer leurs missions, aujourd’hui et dans les décennies à venir. Dans ce cadre, elle contribue activement à la stratégie volontariste mise en œuvre par la France en matière d’équipement et d’emploi des drones par les forces armées, sur l’ensemble de la trame, depuis les nanodrones de quelques grammes jusqu’aux drones MALE ( Moyenne Altitude Longue Endurance) de quelques tonnes.
Février 2022 : le ministère des Armées commande douze EURODRONE (4 systèmes)- Florence Parly, ministre des Armées, salue la commande le 24 février 2022 par l’Occar pour le compte de la DGA et de ses homologues allemand, espagnol et italien, de vingt systèmes EURODRONE, dont quatre seront opérés par l’armée de l’Air et de l’Espace. - Le programme EURODRONE vise à fournir une capacité souveraine de renseignement, de surveillance, de reconnaissance, d’appui aux forces terrestres sur un théâtre d’opérations et d’attaque, disposant d’une capacité de tir de missiles et de bombes guidées. - Le lancement en réalisation de ce programme, mené en coopération avec l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, marque une étape clé dans le renforcement de la coopération européenne. - La commande passée par l’OCCAR, d’un montant de 7,1 Md€ HT, porte sur le développement et la production de soixante drones européens de moyenne altitude et longue endurance de type EURODRONE, dont douze pour la France, ainsi que les cinq premières années de soutien. La fabrication du premier prototype commencera en 2024. - Ce programme permettra la création ou le maintien d’environ 2 000 emplois directs et indirects en France sur la période de développement et de production, non seulement dans les grandes entreprises de défense, mais aussi dans leur chaîne de sous-traitance.
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En termes opérationnels, les programmes de drones français s’organisent en trois segments, MALE (Reaper et Eurodrone), tactique (SDT et SDAM) et contact (élongation inférieure à 100km). Ces segments correspondent à des besoins opérationnels différents et complémentaires tant en termes d’élongation, d’altitude de mise en œuvre que de finalités.
Montée en puissance des drones de contact
La feuille de route des drones de contact s’organise en trois sous-segments : nano-drones (DROP) ou drone du fantassin, micro-drones (drone de la gamme civile NX70 ou Parrot) ou drone du groupe de combat, et mini-drones ou drone du régiment pour l’armée de Terre (SMDR) et du bâtiment pour la Marine (SMDM).) ou drone de la compagnie/du bâtiment.
Du point de vue capacitaire, une forte montée en puissance est en cours depuis 2019, avec les livraisons des drones de contact (DROP et NX70 depuis 2019, SMDR depuis 2020) et les commandes de nouveaux segments de drones (Parrot et SMDM fin 2020). Compte tenu des besoins croissant des forces dans ce domaine, il y a aura plusieurs milliers de drones en service dans les forces d’ici peu contre quelques dizaines il y a quelques années, dont plus de 100 mini-drones.Le ministère des Armées dispose désormais de solides retours d’expérience de l’emploi de ces systèmes par les différentes armées. On constate par ailleurs une structuration forte de l’ensemble des acteurs du ministère afin de disposer de ressources adaptées aux enjeux des drones. Pour ce qui concerne uniquement la DGA, ce sont plus de 100 « équivalent temps-plein » qui sont dédiés à ces thématiques.
Des initiatives tous azimuts
Au-delà de l’aspect quantitatif, la montée en puissance capacitaire se traduit par l’armement des drones, capacité disponible sur le Reaper depuis fin 2019, en opération extérieure. Elle se traduit également par l’effort de développement actuellement porté par la France afin de disposer d’un drone tactique maritime (SDAM) adapté à la mise en œuvre quel que soit le niveau de mer. La France a ainsi largement pris la mesure du défi que constituaient les drones et la montée en puissance impérieuse qu’elle nécessitait. Cet investissement large, sur l’ensemble du champ capacitaire DORESE (Doctrine, Organisation, Ressources humaines, Entraînement, Soutien, Équipement), lui a permis de combler une part significative de son retard.
L’approche capacitaire renforcée mise œuvre conjointement par le service d’architecture du système de défense (SASD) de la DGA et la division de cohérence capacitaire (COCA) de l’EMA vise à anticiper les grands changements à venir et leurs répercussions en termes d’évolutions des menaces. Il s’agit favoriser à la fois l’introduction d’innovations et la cohérence d’ensemble des opérations d’armement. C’est particulièrement nécessaire dans un domaine dynamique comme celui des drones où les technologies sont accessibles à un nombre croissant d‘acteurs, industriels comme étatiques.
Les travaux actuellement en cours sur la thématique sont nombreux, comme par exemple la définition du futur segment « haut » des drones de contact avec une montée en gamme de ses senseurs (emport simultané de deux types de charges utiles au minimum), de son autonomie et de son élongation, ou encore sur les modalités d’intégration des drones au combat collaboratif, et notamment à travers la coopération « drone - hélicoptère ».
Vers le vol permanent ?
Une rupture technologique majeure fait par ailleurs l’objet d’une attention forte de l’EMA et de la DGA : l’accessibilité à la quasi-persistance, avec les concepts tels que :
- Le Zephyr stratosphérique d’Airbus, offrant plusieurs semaines d’autonomie et un emport de quelques kilogrammes, suffisant pour embarquer une charge utile optronique ou un relais de communication (cf. article dédié),
- Le Skydweller, version dronisée du Solar Impulse II et porté par une startup (Leonardo, M Lahoud) emportera durant plusieurs mois 400kg de charge utile à des altitudes atmosphériques, usuelles pour les drones,
- Le Stratobus de Thales Alenia Space, visant une autonomie d’un an en stratosphère, pour un emport d’au moins 250kg de charges utiles, permettant d’envisager l’emport d’un radar, et d’autres capacités « champ large » tirant pleinement partie de l’altitude élevée du porteur et de l’absence de masquage associée (cf. article dédié).
Si les perspectives de ces porteurs sont d’intérêt, leurs limitations restent fortes et ne permettent pas à ce stade de les considérer comme l’outil unique pour remplacer certaines de nos capacités tout en garantissant une résilience suffisante. Toutes ces technologies sont en effet fortement dépendantes de l’énergie solaire et donc relativement saisonnières (12-13h de nuit maximum), et conservent des vitesses d’évolution particulièrement réduites, réduisant leur liberté de manœuvre et les rendant particulièrement vulnérables en environnement non-permissif.
Nouveaux programmes et lutte anti-drones
Des études spécifiques ont également été lancées pour préparer les programmes d’armement. Certaines d’entre elles ont d’ores et déjà débouché sur des réalisations concrètes comme par exemple la liaison de données du SMDR incluant du flux vidéo haute définition et la boule optronique Euroflir 410 qui équipe notamment le SDT/Patroller. D’autres sont issues de la captation d’innovation civiles, comme l’augmentation de la résistance aux environnements brouillés GNSS pour le segment des drones de contact. Une expérimentation réactive a permis d’en valider le bien fondé, avant d’en décider, moins d’un an après la détection de la technologie, de son passage à l’échelle sur le SMDM, système de minidrone opérationnel déployé sur bâtiments de la Marine. Enfin, des appels à projets, comme le projet SAURON, permettent d’explorer les potentialités des charges utiles électromagnétiques sur mini-drones.
La préparation de l’avenir se traduit également par le lancement de projets et de programmes d’armement au plan national ou en coopération (voir encadré Eurodrone) et la définition des étapes ultérieures des programmes en cours (SDT, SMDM, SMDR).
L’enjeu n’est pas seulement le niveau technologique de nos équipements mais leur cohérence et leur coordination en vue d’être opérationnels. C’est tout l’objet de la démarche capacitaire, en particulier dans un domaine aussi diversifié que celui des drones.
Enfin, relever les défis que constituent les drones, c’est aussi relever celui de la lutte anti-drones (voir article LAD). Par leur prolifération et leur technologie, les drones aériens représentent une menace significative tant pour les installations militaires que pour les activités des forces armées sur le territoire national et à l’étranger, ainsi que les grands événements civils organisés sur notre territoire. Le développement de la menace des drones amène là encore le ministère des Armées à accélérer son effort.
Johan Pelzer, IPA, DGA/SASD/CMI X-ENSTA spécialisé en énergie, il rejoint les équipes de programmes en charge des capacités tactiques de renseignements d’origine électromagnétique. Habitué aux besoins interarmées, il intègre le service d’architecture du système de défense, chargé de la préparation de l’avenir et de la synthèse stratégique et de la cohérence capacitaire de tout le domaine renseignement, dont les drones de surveillance et de renseignement.
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