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Minirobots Scorpion (Nexter et ECA)
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25 mars 2022

ROBOTIQUE TERRESTRE : LA NOUVELLE DYNAMIQUE VULCAIN
VERS UNE PLEINE CAPACITÉ DE ROBOTIQUE DE COMBAT

Alors que les robots terrestres se répandent dans les forces armées du monde entier pour des missions qui ne sont plus réservées à la lutte contre les engins explosifs improvisés (EEI), comment la France compte-t-elle développer une pleine capacité de robotique de combat ? .


Un fantassin avançant prudemment derrière des minirobots pour investir un bâtiment, un robot éclaireur se dirigeant automatiquement vers un point d’observation ou encore un blessé évacué sur un quad télépiloté : qu’il s’agisse des expérimentations organisées par le CREC St Cyr et le Battlelab TER ou des évaluations DGA de l’étude amont FURIOUS, ces situations sont presque devenues monnaie courante sur la période 2020-2021. Elles paraissent loin désormais ces années 2000 où nos interlocuteurs opérationnels affichaient parfois un certain scepticisme à l’évocation des robots terrestres, craignant les EEI voire même un coup de marteau brutal qui les mettraient rapidement hors service… Et pourtant, malgré l’issue fatale d’un tel scenario, le robot aurait sans doute rempli sa mission en protégeant l’homme ou en signalant la position de l’ennemi agresseur

Une capacité en plein essor à travers le monde

Les grandes puissances militaires comme les Etats-Unis, la Chine ou la Russie disposent d’ores et déjà de multiples systèmes terrestres robotisés destinés à des missions de contre-minage, de reconnaissance, de surveillance et plus récemment de combat. Nombre de nos partenaires européens communiquent régulièrement sur leurs développements dans le domaine. Mais la démocratisation des petites plates-formes, potentiellement couplées à l’intelligence artificielle pour la reconnaissance de cible ou le fonctionnement en essaim, permet également à des belligérants plus modestes d’y recourir, parfois à des fins terroristes, ce qui alimente les débats récents à l’ONU sur la dissémination et la réglementation des Systèmes d’Armes Létaux Autonomes (SALA).

Pour sa part, la France s’est peu à peu dotée de différents types de robots terrestres, en complément des drones aériens plus mobiles mais généralement plus limités en capacité d’emport et en autonomie énergétique. La finalité est d’éloigner l’homme de la menace, de le décharger des tâches pénibles ou répétitives et de démultiplier ses capacités tout en augmentant la masse critique des unités. Dans les années 1990 sont ainsi apparus des systèmes de déminage téléopérés AMX30 B2 DT tandis que les équipes de neutralisation d’explosifs utilisent depuis de nombreuses années des robots téléopérés équipés de bras manipulateurs. Plus récemment, les minirobots SCORPION sont venus compléter les dotations pour la lutte contre les EEI et les opérations en zone urbaine. Mais tandis que les progrès technologiques dans ce domaine s’avèrent particulièrement rapides et que les cas d’usage se multiplient, la France, pionnière en la matière dès 1915, confirme son ambition de créer une gamme de robots complète et cohérente, du modèle bas coût au système de combat sophistiqué, respectant les garde-fous éthiques. 

Une diversification des applications grâce aux progrès de l’intelligence embarquée 

Pour développer une pleine capacité de robotique, de multiples verrous technologiques restent toutefois à surmonter. Le milieu terrestre s’avère en effet extrêmement exigeant de par la diversité de son environnement, ses scènes dynamiques et ses terrains compartimentés. De plus, contrairement à de nombreux systèmes civils, les robots militaires doivent pouvoir s’affranchir d’une infrastructure dédiée ou de reconnaissances préalables du terrain. Cette complexité appelle l’innovation sur de nombreuses fonctions telles que l’observation, la mobilité ou la géolocalisation robustes. Mais le challenge le plus ambitieux reste sans doute le vaste sujet de l’autonomie décisionnelle qui apparaît comme la condition sine qua non d’un déploiement massif. Cette « intelligence embarquée » permettra tout d’abord de réduire la charge cognitive induite par la téléopération et d’augmenter la disponibilité de l’opérateur pour réaliser des tâches à plus haute valeur ajoutée. Elle aidera par ailleurs à s’accommoder des débits limités des liaisons sécurisées et favorisera la discrétion hertzienne. Enfin, elle permettra à terme au robot de mieux appréhender la situation, de réagir en temps réel face aux aléas et surtout, de suivre le rythme de la manœuvre tactique, tout en restant sous supervision humaine constante.

Robot eTracer de FURIOUS (SAFRAN)

Pour la développer, la DGA et l’AID s’attachent à exploiter pleinement depuis les années 2000 tous les mécanismes de R&T disponibles : études amont telles que FURIOUS pour la mobilité autonome et MUST pour la coordination de flottilles hétérogènes, projets ASTRID et RAPID, challenges co-organisés avec l’Agence Nationale de la Recherche, etc. Il s’agit également de s’appuyer sur ces travaux nationaux pour se positionner sur la scène européenne et créer un véritable effet de levier technique et financier. Outre plusieurs projets AED, la France est ainsi partie prenante du projet PEDID iMUGS sur la robotique tactique et vise désormais un portage au Fonds européen de défense.

Sur le plan capacitaire, compte tenu des développements technologiques en cours et des ruptures opérationnelles induites par ces nouveaux équipements, il apparaît nécessaire de procéder par étapes. Cela consiste à passer progressivement de systèmes isolés à des robots mieux intégrés aux unités combattantes et interfacés aux systèmes d’information opérationnels, puis à de véritables systèmes équipiers, capables d’appuyer les soldats et de suivre l’action (en respectant les formations, les vitesses de déplacement ou encore la répartition des secteurs d’observation), l’objectif à 15-20 ans étant de disposer de systèmes multirobots efficients et coordonnés comme MGCS, le successeur du char Leclerc. Ces robots semi-autonomes sophistiqués pourront toutefois cohabiter avec des systèmes moins onéreux voire même « sacrifiables » destinés à des missions plus basiques d’interdiction de zone par exemple. Quant à la dotation des forces, elle devrait aussi présenter un caractère progressif avec la constitution de premières forces expérimentales avant de compléter les effectifs de robots vers une dotation massive à l’horizon 2040. 

Flottille hétérogène drones / robots du projet MUST (ONERA)

La nouvelle dynamique VULCAIN

Pour préparer cette pleine capacité de robotique répondant à des conflits de haute intensité plus exigeants, l’ambition du projet VULCAIN, porté par l’armée de Terre en coordination avec l’EMA et la DGA, est d’analyser les ruptures opérationnelles induites par ces nouveaux systèmes : il s’agit d’offrir une vision long terme de la robotique aéroterrestre tout en réalisant des tests opérationnels en boucle courte. Pour cela, une section VULCAIN dédiée à l’expérimentation de ces systèmes a été créée dès l’été 2021 afin d’explorer des concepts d’emploi innovants et sélectionner les plus à même d’apporter des gains opérationnels significatifs. Ces évaluations permettront également d’initier en amont une véritable réflexion doctrinale et d’alimenter une boucle vertueuse entre les travaux R&T et le retour d’expérience opérationnel. 

VULCAIN a également pour ambition de fédérer la communauté robotique militaro-industrielle, incluant l’armée de terre, la DGA, l’AID et la BITD française, qui compte de nombreuses sociétés de toutes tailles ainsi qu’un solide tissu académique dans le domaine : une « Team VULCAIN » doit ainsi permettre d’animer un réseau pérenne permettant des réflexions dans le temps long. 

Vers une synergie avec le combat collaboratif

La transition vers la robotisation nécessite donc de relever de multiples défis mais qu’il s’agisse des acteurs étatiques ou industriels, on ressent désormais une véritable détermination dans le monde de la défense pour aller de l’avant : un projet structurant et ambitieux tel que VULCAIN doit permettre de fédérer les efforts à travers des développements agiles et incrémentaux, impliquant des boucles courtes entre réalisation des démonstrateurs, essais et acquisitions. Ces travaux menés sur la robotique terrestre trouveront en outre des prolongements dans d’autres applications militaires telles que les aides aux équipages embarqués ou le combat collaboratif. Pilier du programme SCORPION et désormais de la démarche TITAN visant à préparer le combat de haute intensité à horizon 2040, le combat collaboratif fondé sur la mise en réseau et la coordination des pions amis présente en effet de grandes similitudes avec les systèmes multirobots semi-autonomes et devrait à terme intégrer de multiples plates-formes robotisées. Gageons que VULCAIN forgera ces capacités clés de demain !

 

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ICA, Architecte de préparation des systèmes de combat terrestre futurs, DGA

Après avoir exercé des fonctions d’expert, d’architecte et d’encadrement technique en robotique et en systèmes terrestres à la DGA, Delphine Dufourd-Moretti (X95, ENSTA, doctorat INP Toulouse) est devenue manager SCORPION puis directrice du segment études amont terrestres avant de prendre début 2019 la responsabilité de la préparation des systèmes de combat terrestres futurs.

 

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