RENCONTRE AVEC ASTRID LE GOFF, PYROTECHNICIENNE
IETA de spécialité pyrotechnie, Astrid a effectué son stage de fin d’études chez Nobel Sport en 2020 avant de prendre un poste de responsable d’atelier au sein d’un établissement du SIMu. Plongée dans la technique, le management et bien sûr l’ingénierie de la sécurité.
La CAIA : Quelle est ta mission ?
Astrid Le Goff :Depuis ma sortie de l’ENSTA Bretagne en septembre 2020, j’occupe un poste de chef de groupe au sein du Service Interarmées des Munitions (SIMu) à la Pyrotechnie Saint Nicolas située à Guipavas.
Le SIMu employant du personnel civil et militaire, d’origine Terre, Mer, Air et DGA, a pour mission d’acquérir, gérer, maintenir, stocker et éliminer des munitions des armées. Il est constitué de plusieurs établissements dont l’Etablissement Principal des Munitions (EPMu) Bretagne : ce dernier regroupe le Groupement Munitions (GMu) de Brest situé à la Pyrotechnie Saint Nicolas et la section munitions de Coëtquidan. Le groupe atelier maintenance des munitions classiques, dont je suis responsable, fait partie de la section Maintenance du GMu de Brest. L’enjeu de mon poste est de nature à la fois technique et managérial. Il s’exprime en la capacité à piloter la réalisation des activités techniques : maintenance des munitions classiques (d’infanterie, d’artillerie, roquettes, grenades, artifices de démolition, artifices de signalisation, artifices de sécurité à durée de vie limitée, etc ...), fabrication des munitions NEDEX, expertises et élimination dans plusieurs ateliers, dans un environnement particulièrement contraint au plan réglementaire, où la sécurité est primordiale.
Les activités relatives à ce poste sont très variées.
Il s’agit de superviser l’exécution des tâches relatives aux opérations liées aux munitions classiques, tout en s’assurant du maintien en état des infrastructures et matériels. La notion d’ingénierie de la sécurité est aussi importante dans mon poste, car ce dernier inclut la conduite de projets annexes aux activités principales, dans le but d’améliorer les conditions de travail et notamment les conditions de sécurité (recherche de systèmes adaptés aux travaux).
Au plan sécurité, il s’agit de garantir le respect des règlementations, en validant ou rédigeant les documents de travail et de sécurité, puis en veillant à leur mise en œuvre rigoureuse. Dès que des anomalies sont notées, il est de ma responsabilité de faire remonter les informations et de lancer les actions correctives pour y remédier.
Il y a également un aspect managérial, puisque j’encadre une vingtaine de personnels, pour lesquels je dois veiller au bon fonctionnement de l’équipe, tout en contribuant à sa motivation et à sa cohésion. Le travail, mettant en jeu la sécurité des personnels, demande une attention particulière au suivi des habilitations et au maintien ou à l’acquisition des compétences. La gestion de l’équipe comporte aussi des aspects RH, qu’il s’agisse des notations, de l’avancement mais aussi de la discipline qu’il faut réussir à imposer.
La CAIA : L’enjeu de sécurité est au cœur d’une pyrotechnie. Comment cela se traduit-il au quotidien ?
ALG : La sécurité au sein d’une pyrotechnie se base sur plusieurs principes primordiaux : évaluations des risques, respect des règles imposées, formation de personnels, respect du cadre professionnel (discrétion sur les activités du site).
Au sein du site, aucune opération pyrotechnique n’est réalisée sans rédaction et approbation d’une analyse préalable, ainsi que de modes opératoires précis. Ainsi, nous retrouvons un nombre important de documents de sécurité régissant les activités faites sur site, dans le but de déterminer les risques potentiels, d’imposer les mesures préventives adéquates et de décrire les travaux autorisés. Ils sont utilisés quotidiennement car ce sont eux qui autorisent ou non chaque opération, matériel et produits pyrotechniques, nombre de personnel maximum dans les installations, etc... Des règles de conformité entre les différentes installations sont vérifiées dans ces études, afin de limiter au strict nécessaire les personnes exposées.
Toutes les règles mentionnées sont à prendre en compte au quotidien en atelier : port des équipements de protections individuelles, règles d’accès de personnels, précautions contre l’électricité statique, matériels interdits en zones pyrotechniques, outils à jour des contrôles de sécurité et maintenance, etc. ...
Elles permettent de réduire les risques d’événement pyrotechnique et de limiter les effets dans le cas où un évènement se produirait.
Des formations trimestrielles relatives à la sécurité sont dispensées à tous les personnels et des contrôles périodiques sont effectués afin de s’assurer que les mesures de sécurité sont bien respectées. Le rôle du chef de groupe passe par le maintien et le perfectionnement des connaissances de son équipe dans le domaine des risques pyrotechniques et leur prévention.
Dans les pyrotechnies, chaque personne a son rôle à jouer quand il s’agit de sécurité pyrotechnique, que ce soit en terme d’exécution, de contrôle, d’analyse ou de validation des mesures de sécurité.
La CAIA : On peut lire à l’entrée de certains sites pyrotechniques : « Ici tout ce qui n’est pas autorisé est interdit ». Dès lors, peux-tu prendre des initiatives ?
ALG : Concernant les initiatives à l’intérieur d’un site pyrotechnique, aucune n’est permise. Dès lors que nous souhaitons effectuer une modification liée à une opération une demande vers l’Ingénieur Sécurité Pyrotechnie (ISP) doit être faite pour validation. Une fois l’accord de l’ISP, une analyse doit être réalisée puis validée par différentes personnes (rédacteur, chef de groupe, chef de section, chef GMu, ISP, directeur) pour pouvoir effectivement appliquer cette modification.
Lorsqu’une situation imprévue ou exceptionnelle se présente, les opérateurs s’arrêtent et avertissent la hiérarchie afin de définir les procédures à suivre. Si rien n’est prévu, une nouvelle analyse est à réaliser. Le RETEX montre que des accidents / incidents sont arrivés à la suite de prises d’initiatives d’opérateurs, c’est pourquoi il est important sur des sites pyrotechniques comme la Pyrotechnie Saint Nicolas, de ne pas réaliser d’opérations non prévues, car cela signifie qu’elles n’ont pas été analysées collégialement sur le plan de la sécurité.
L’exemple présenté dans l’encart montre bien que la prise d’initiative – dans ce cas les changements d’outillage et de mode opératoire – sur des opérations mettant en jeu des munitions, présentent un risque important dans le domaine pyrotechnique.
Les enseignements retenus suite à ce type d’accident telle que la rédaction d’instructions de services, qui n’était pas systématique à l’époque, sont toujours présents aujourd’hui.
Au-delà de l’évolution de la réglementation dans l’histoire de la Pyrotechnie, le RETEX des incidents / accidents constitue aujourd’hui une base de données importantes de bonnes pratiques en matière de sécurité pyrotechnique. Des documents relatifs à ces pratiques sont d’ailleurs diffusés et utilisés dans les établissements pyrotechniques (notamment le Guide défense de bonnes pratiques en pyrotechnie et le guide de bonnes pratiques en pyrotechnie du Syndicat des Fabricants d’Explosifs, de Pyrotechnie et d’Artifices).
La CAIA : En quelques mots, qu’est-ce-qui te motive dans ton travail ?
ALG : L’objectif opérationnel du SIMu consiste à assurer l’approvisionnement en munitions des forces armées. Cette mission est d’autant plus significative pour moi du fait de mon statut militaire.
Concernant le travail au quotidien, la supervision des activités et les responsabilités qui y sont liées sont des points très valorisants et qui me motivent tous les jours.
Ce poste me permet d’être directement au cœur de l’action. Je vois des munitions tous les jours, que ce soit en configuration nominale, en cours de confection, ou même préparées avant que les opérateurs ne les fassent fonctionner. Le côté technique aussi proche de l’action est très appréciable, surtout en début de carrière dans le domaine militaire.
Je dois parfois traiter des dossiers particuliers lors de situations exceptionnelles, ou de besoins spécifiques en matériels.
Cette facette dans mon travail, de recherche de solutions, est une des tâches que j’affectionne particulièrement.
L’aspect RH m’apparaissait comme un défi en sortie d’école, dans le sens où j’arrivais avec un bagage technique mais en aucun cas des compétences managériales, et de plus dans un environnement majoritairement masculin. L’esprit d’équipe qui règne dans le service que je supervise est excellent, ce qui fait partie des aspects positifs et motivants du poste que j’occupe.
Exemple d’accident survenu à la suite d’une prise d’initiative sur la pyrotechnie, le 16/03/1948 :L’atelier était en charge de la démolition de cartouches, c’est-à-dire séparation du projectile et désamorçage de la douille. Dans certains cas, la cartouche étant déformée, il était prévu (par ordre verbal) de la découper grâce à l’emploi d’une cisaille suivant une génératrice. Ce jour-là, les opérateurs ayant du mal à exécuter ce découpage, décidèrent d’utiliserun burin et un marteau pour découper la douille, ce qui provoqua l’inflammation de la charge contenue à l’intérieur ! Un opérateur a été blessé à la main et le deuxième au visage (plaies contuses).
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Auteur
Après des débuts chez DCN, Pierre a dirigé plusieurs établissements industriels chez SNPE et THALES, où il anime le commerce France depuis 2018. Voir les 4 Voir les autres publications de l’auteur(trice)
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