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Ce ne sont pas des ballons, mais un essai en charge à 900 tonnes pour valider la réparation du pont
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28 octobre 2024

RENCONTRE AVEC RICHARD CASTAING
INDUSTRIEL SUR LE TERRAIN

En détachement chez Framatome depuis dix-huit mois et affecté à l’usine de Saint-Marcel depuis 2023, Richard Castaing a troqué sa casquette d’ingénieur de l’armement pour une casquette de sécurité estampillée Framatome. Au mur, des graphiques de production et un calendrier de travaux.


La Caia : que représente pour la région cette usine de Saint-Marcel ?

Richard Castaing : Framatome est le premier employeur industriel de Saône et Loire. Il y a l’usine de Saint-Marcel où je travaille, avec 1 300 personnes, la forge du Creusot, avec 500 salariés, qui réalise notamment des pièces pour les sous-marins et le porte-avions, ainsi que le centre d’installation et de maintenance de Chalon-sur-Saône, avec 1 400 personnes. Tout cela représente plus de 3 000 emplois industriels. Mais le poids économique est bien plus important, car derrière l’emploi direct il y a toute la richesse induite localement, avec les réseaux de sous-traitants et l’ensemble des services  : transport, alimentation, écoles, santé ; toute la société en somme.

La Caia : Qu’est-ce qui t’a conduit à prendre un métier industriel ? Comment cela se passe-t-il ?

RC : cela m’attirait depuis longtemps. Après des postes de bureau, à « faire faire », je ressentais le besoin d’être le plus possible au contact du terrain et de faire de la production. D’ailleurs, cet attrait se confirme et je me verrais bien directeur d’une usine d’ici quelques années, après avoir « fait mes classes ». A Saint-Marcel, je suis responsable support production. J’ai la responsabilité de 130 personnes, dont cinq managers. J’ai en charge le magasin, la maintenance, la thermie (torches, installation électrique etc. ; nous soudons en préchauffant à plus de 150 °C) ainsi que la manutention. Nous déplaçons des pièces de plusieurs centaines de tonnes, jusqu’à 580 pour les générateurs de vapeur terminés.

Dans une usine, le temps de réaction est court. Nous avons un programme de tâches quotidiennes mais cela se passe rarement comme prévu. Il faut s’adapter en permanence pour tenir le planning. C’est un peu « le mixeur », difficile de ne pas se laisser happer. Par exemple, depuis que nous échangeons, j’ai eu cinq appels sur mon téléphone.

En complément du quotidien, nous avons les sujets d’amélioration sur le moyen ou le long terme. Pour réussir à les faire avancer, je suis amené à bloquer des créneaux dans mon agenda.

Ces métiers sont aussi des métiers très humains. Je passe du temps à rencontrer, à connaître, à répondre aux sollicitations des équipes.

La Caia : quelles sont tes préoccupations professionnelles à Saint-Marcel ?

RC : l’un des enjeux principaux est de recruter et de former. Nous sommes sur une dynamique de croissance liée au renouveau du nucléaire. Concrètement, nous allons devoir quasiment tripler les capacités de production, via notamment un investissement de plus de 350 millions d’euros dans les quatre ans. Nous comptons augmenter les surfaces de 50 % et passer de 30 % à 50 % le taux de robotisation et d’automatisation. Nos métiers ne permettent pas d’approximations pour assurer la sûreté des centrales nucléaires. Sur un générateur de vapeur, nous passons un tiers du temps à contrôler.

Avec 450 personnes dans les métiers de soudeur, chaudronnier, contrôleur ou encore usineur, nous devons réaliser au moins 70 recrutements nets par an auquel il faut ajouter la compensation des départs. Nos besoins principaux sont des ouvriers et des techniciens. Ce sont des profils souvent peu mobiles géographiquement, moins que les ingénieurs.

Par exemple, j’ai dans mes équipes de maintenance 35 personnes et je dois passer à 55. J’ai depuis le début de l’année un poste ouvert de méthodiste maintenance. Ce ne sont pas les candidatures qui manquent, mais lorsqu’on élimine celle qui n’ont pas du tout les compétences, c’est-à-dire 80 %, puis celles qui présentent lors des entretiens des problèmes d’attitude ou d’état d’esprit, il ne reste plus grand monde.

Pour répondre à cette difficulté, nous avons créé des écoles. Elles préparent pour des certificats de qualification paritaire de la métallurgie (CQPM) des personnes qui souhaitent se reconvertir et que nous formons pendant plusieurs mois. Pour le coup, la motivation joue une grande part dans le choix. Un tiers des recrutements s’effectue aujourd’hui par ce biais. J’ai en tête le cas de cet ancien professeur, devenu soudeur, et qui est parfaitement à sa place.

La Caia : Te sens-tu parisien ou provincial ?

RC : Côté Framatome, les décisions se prennent dans la hiérarchie de l’usine, et en lien avec le siège. Ce que je remarque, c’est que je ne suis retourné à Paris qu’une fois depuis mon départ. Je me rends compte que les médias sont très Paris–centrés et que l’on vit très bien sans. Il y a une vie locale, et la vie associative a plus de poids que dans une métropole, plus d’authenticité. J’ai choisi d’habiter dans un petit village dans la campagne de Bresse. Je fais partie de plusieurs associations comme le don du sang ou la cantine scolaire. Comme anecdote, j’ai participé aux cérémonies du 11 novembre en uniforme, et j’étais à côté du maire et des « autorités ». Le maire, avec qui j’ai ensuite échangé, savait que j’étais polytechnicien mais je ne sais pas comment !

Le site Framatome de Saint-Marcel

Depuis sa création en 1975, le site de Saint-Marcel a fourni des composants pour plus d’une centaine de réacteurs nucléaires dans le monde. L’usine assemble la majorité des composants lourds de la filière nucléaire française pour les tranches allant de 900 à 1 650 mégawatts.

L’usine de Saint-Marcel assure l’assemblage :

des cuves de réacteurs, des couvercles de cuves ;

des générateurs de vapeur ;

des tuyauteries primaires.

Elle possède une expertise en soudage, usinage de précision, revêtement, contrôle, traitement thermique, manutention et assemblage pour des composants de grandes dimensions.

La Caia : de quoi es-tu le plus fier depuis un an ?

RC : nous avons eu un problème qui aurait pu mettre l’usine à l’arrêt : en mai dernier nous avons découvert des fissures sur le pont principal, d’une capacité de 600 tonnes. Après étude, nous avons décidé de le réparer en interne, en utilisant toutes les compétences de l’usine. On a usiné, contrôlé, validé, etc. J’étais prioritaire sur tout le monde pour conduire cette opération, cela a bien aidé. Au final, on a gagné en réactivité, en temps de transport et donc en temps d’immobilisation.

Ce que j’aime également c’est l’aspect humain au quotidien. Les gens me racontent leur week-end, leurs sujets, ce qui les empêche de bien travailler. Je m’efforce de trouver des solutions avec eux. Un autre aspect très satisfaisant, c’est que les décisions ont un impact immédiat. Au jour le jour, on voit, on constate, on décide, on touche la matière.

J’ai aussi dans mon périmètre les espaces de stockage de près de 30 000 m², contenant toutes sortes d’équipements, les approvisionnements et en particulier les forgés, les produits finis, etc. J’ai entrepris d’en faire l’inventaire et le tri, et cela m’a valu un surnom : tri–Castaing !

Je trouve intéressant et je conseille aux IA de travailler en usine au moins une fois. Cela donne une autre vision des choses. Par exemple, pour augmenter la capacité de production, on découvre les contraintes sur les compétences, les délais d’approvisionnement des équipements ou encore le maquis des procédures. Mais plus simplement, pour nous, ingénieurs, nous pouvons nous permettre de faire des virages à 180° dans notre carrière : ça marche.

Auteurs

Rédacteur en chef du magazine des ingénieurs de l'Armement.
Coach professionnel certifié et accrédité "master practitioner" par l'EMCC.
Fondateur de Blue Work Partners SAS qui propose :<br>
- Formation au leadership
- Coaching de dirigeants
- Accompagnement d'équipes projets
X84, ENSTA, coach certifié IFOD,
Auteur du guide de survie du chef de projet (Dunod 2017).
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