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01 juin 2017

LA MAINTENANCE DES HÉLICOPTÈRES ÉTATIQUES, EST-CE FORCÉMENT COMPLIQUÉ ?

Malgré des plans d’actions à répétition, la disponibilité des hélicoptères militaires reste à la traîne des objectifs visés. En particulier, les temps d’immobilisation nécessaires aux visites programmées sont régulièrement pointés du doigt, et souvent bien en deçà des performances obtenues par certains opérateurs civils. Est-ce une fatalité ?


Rattaché organiquement à l’armée de l’Air, le SIAé réalise à travers ses 5 Ateliers industriels de l’aéronautique (AIA) une part importante de maintenance des hélicoptères étatiques. Dans le Var, l’AIA de Cuers-Pierrefeu est ainsi en charge des visites Lynx et Panther de la Marine et d’une partie des visites NH 90 dans ses versions marine et terrestre. Or ces visites sont toujours difficiles à réaliser, quel que soit le stade dans lequel se trouve le programme concerné : démarrage du NH 90, maturité pour le Panther, fin de vie pour le Lynx…

Emploi
Commençons par une évidence : les hélicoptères militaires réalisent des missions que les autres ne font pas. Tremper un sonar durant de longues minutes à la recherche d’un sous-marin est tout aussi peu classique dans le monde civil que d’essayer de voler aussi bas et aussi vite que possible au-dessus du désert. Or faire entrer en cabine des paquets d’eau de mer en remontant un plongeur et des naufragés tout comme l’ingestion de sable ou d’embruns en abondance sollicite durement la mécanique et fait vieillir prématurément les structures et les équipements, et les mesures préventives (rinçage, filtres anti-sable…) ne sont jamais efficaces à 100 %. Corollaire : les hélicoptères militaires ont été conçus ou modifiés pour pouvoir réaliser ces missions dédiées. Or ces rechanges et équipements spécifiques sont bien souvent le cauchemar du maintenancier, puisqu’ils n’entrent que rarement dans les circuits classiques de fabrication ou de réparation : temps de cycle très longs, approvisionnement erratique en pièces, références non gérées… Ainsi, sur Panther il est relativement facile d’obtenir via le constructeur ou différents revendeurs toutes les pièces communes avec la version civile (Dauphin), qui a été produite en masse. A contrario, les pièces spécifiques à cette version risquent régulièrement de tomber en rupture. Et le NH 90 Marine subit beaucoup plus de prélèvements en visite que son homologue terrestre, avec en tête de liste ses équipements les plus caractéristiques : harpon/sonar/ radar.
Pour couronner le tout, ces équipements et rechanges « spécial militaire » sont toujours relativement onéreux, puisque spécifiques : la moindre vis peut valoir une fortune, pour peu qu’elle soit « hors norme ». La logique économique recommande donc d’en acheter aussi peu que possible, et d’en centraliser le stock, tout à l’inverse de la logique opérationnelle qui impose le plus souvent de délocaliser des appareils pour armer un détachement ou un bateau. Les « lots de déploiement » et autres « lots d’autonomie » ponctionnent ainsi un stock qui n’a plus de central que le nom. En outre, s’il est logique de prélever les équipements en maintenance au profit de l’opérationnel, la difficulté chronique des acteurs (pourtant de bonne volonté) à recompléter en temps et en heure les références concernées n’est que le signe le plus évident que nos flottes militaires sont profondément inscrites dans une logique de manque sur ces références qui n’existent que pour elles.

Micro-parcs
Au début des années 2000, le parc total de Lynx utilisés par la Marine française correspondait peu ou prou au nombre de visites de maintenance réalisées annuellement par la DARA (l’équivalent britannique des AIAs, à l’époque) sur les Lynx anglais. Loin d’être anecdotique, cette différence d’échelle se traduit par trois conséquences très concrètes. Tout d’abord, les investissements consentis s’amortissent beaucoup plus rapidement : à prix de visite équivalent, il est donc possible de financer bien plus d’outillages pour la maintenance et les réparations, ce qui est source de gains de temps importants. La DARA bénéficiait ainsi de bâtis de réparation qu’il était tout simplement inenvisageable de dupliquer en France, faute d’une utilisation suffisante.
Ensuite, sur l’organisation du chantier, un flux important permet de mettre en œuvre des outils d’optimisation bien plus efficaces : taylorisme, lean manufacturing et gestion statistique optimisée de la « supply chain » s’appliquent beaucoup mieux sur la centaine de Dauphins tous identiques des « Coast Guards » américains que sur le parc de 16 Panther de la Marine, dont les uns doivent passer en visite deuxième niveau et les autres en maintenance troisième niveau couplée à une mise au standard !
Pour finir, la problématique de la gestion des compétences se pose de façon exacerbée sur des petits parcs. Les visites d’entretien majeur de Lynx reposent sur une quinzaine d’opérateurs qualifiés… quasiment les mêmes depuis vingt ans. Encore plus délicate est la gestion des équipements, forcément très morcelée. Il n’est pas rare de constater qu’un seul opérateur possède un niveau d’« expert » sur une référence donnée, et qu’il n’est secondé que par un opérateur récemment lâché ou en cours d’apprentissage: une absence (subie ou prévue) peut alors se révéler catastrophique en terme de délai !

Pression RH et financière
Le SIAé, comme toutes les autres unités du ministère de la Défense, a subi sa part de déflations imposées et de restructurations, qui ont parfois aggravé le phénomène de compétences orphelines évoqué ci-dessus. Toutefois, cette « pression RH » n’est rien en regard de la pression financière qui se surimpose à elle. En effet, la maintenance est une industrie de main-d’œuvre, et comme le coût des rechanges est difficilement maîtrisable, le prix d’une visite est fortement dépendant des hommes-heures qui y sont consacrées. L’optimisation des coûts de maintenance impose donc d’y allouer le moins de RH possible, en pratique : juste ce qu’il faut pour réaliser les opérations de maintenance prévues dans l’année.

Organisation de chantier
Or à effectif donné, plusieurs choix d’organisation sont possibles, par exemple mettre tout le monde sur la même machine afin de la terminer au plus vite avant de prendre la suivante, ou a contrario paralléliser des visites plutôt longues en consacrant un effectif réduit à chacune. Malheureusement, pour aller vite il faut également pouvoir alimenter le chantier du flux de rechanges et d’équipements nécessaires, en clair : donner du travail à tout le monde. Dans la logique de tension logistique dans laquelle s’inscrivent nos flottes, il est cohérent d’opter pour des temps de cycle plutôt longs, ce qui permet de réallouer les personnels lorsque certains travaux doivent être placés en attente. C’est ainsi que malgré un sur-effectif transitoire lié au démarrage de l’activité, il n’a pas été possible de raccourcir les visites des premiers NH 90 Marine, qui ont attendu d’être complets pour pouvoir être livrés. De même, la solution souvent évoquée de passer en 2 x 8 n’a de sens qu’à condition de pouvoir « alimenter » en rechanges et réparables deux équipes en simultané sur la même phase de la visite, ce qui est à ce jour hors de portée.

Equilibre
Classiquement, la logique du support en service est basée sur la recherche d’un équilibre entre la capacité cible (installations spécifiques mais aussi nombre de déploiements simultanés), la disponibilité « utile » et le coût qu’il est possible de supporter. Pour améliorer ces deux derniers sans sacrifier la première, il faut s’attacher à standardiser les flottes, voire à l’intérieur des flottes standardiser les architectures en limitant le nombre de références créées ex nihilo. Enfin, atteindre une masse critique d’activité est essentiel pour retrouver une logistique et une gestion RH efficiente : plus ça vole et plus il sera facile de voler! Plus spécifiquement, au vu de la taille de la flotte, le NH 90 atteindra rapidement cette « masse critique » : sa montée en cadence constitue donc un enjeu majeur pour l’AIA de Cuers, dont la réussite passera par la mise en place de structures contractuelles engageantes tant pour l’approvisionnement des rechanges que pour les réparations des sous-ensembles spécifiques.


Vincent Bornert, ICA Directeur de Programme NH90
 
(X96, Sup’Aéro 2001) Il a commencé sa carrière à l’AIA de Cuers-Pierrefeu, en a été chef de la Division hélicoptères, puis adjoint production au sous-directeur technique. Après un passage à la Division Tigre de l’Occar (Bonn) en 2008, il devient en 2013 sous-directeur technique à l’AIA de Cuers. Il est Directeur de Programme NH 90 depuis 2017.

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