LE MCO DES HÉLICOPTÈRES : LA SOMME DE TOUTES LES CONTRAINTES
Depuis Léonard de Vinci et sa "Vis Aérienne" qui ne pouvait voler, les aéronefs à voilures tournantes sont l’objet des plus grandes ambitions. Manœuvrer près du sol, voler de jour comme de nuit dans des conditions météo adverses, atteindre des vitesses élevées, se déplacer en silence, délivrer des armements… et, évidemment, en complète sécurité et parfaitement intégré dans la circulation aérienne. Le soutien d'un tel système relève-t-il d'une nouvelle quadrature du cercle ou d'un simple mais complexe défi méthodologique ?
Les voilures tournantes sont une composante essentielle pour les armées. Que ce soit pour le combat aéroterrestre ou maritime, le transport, le sauvetage ou les opérations spéciales, les possibilités d'atteindre des lieux qualifiés d'inaccessibles justifient de disposer d'un parc important et diversifié d'hélicoptères. Ainsi, sur les près de 1 300 appareils soutenus par la SIMMAD en 2015, un tiers sont des hélicoptères. Cette proportion élevée s'explique par la longévité de ces machines et par leur diversité. Par exemple a côté de ses NH-90 Caïman, la Marine Nationale disposait encore en 2015 de 21 Alouette 3. Alors que l'âge moyen des avions de transport est en voie de rajeunissement avec l'arrivée des A400M et des C130J, l'âge moyen des parcs d'hélicoptères est encore en hausse. Cependant, quel que soit l'âge des machines ou leur technicité, leur disponibilité est régulièrement critiquée. De multiples causes concourent à ce mauvais résultat.
De nombreuses contraintes, quelques exemples…
Une forte dimension technique
Les solutions techniques utilisées pour le vol des voilures tournantes sont plus complexes que celles des voilures fixes. Les ensembles 1 MCO : Maintien en condition opérationnelle tournant, les vibrations induites, les puissances nécessaires au vol stationnaire impliquent des rythmes de maintenance préventive soutenus. Les progrès dans les matériaux qui ont permis des évolutions technologiques importantes comme par exemple le choix d'un rotor rigide (sans articulation de battement ou de trainée) pour le Tigre contribuent à une réduction des actes de maintenance mais, par leur jeunesse, induisent aussi des maintenances complémentaires parfois rendues nécessaire par précaution. Pour les hélicoptères plus anciens, les difficultés sont d’une autre nature. La raréfaction des pièces et des savoir-faire conduisent à une augmentation des coûts de soutien.
La navigabilité
Les hélicoptères militaires s'intégrant dans la circulation aérienne générale, ils sont soumis aux règles de navigabilité imposant des processus industriels conformes pour la définition/conception ou pour le soutien. De même, la plupart des équipements doivent être en phase avec des butées calendaires ou horaires. Ces éléments définissent une organisation du soutien rigoureuse et traçable n’offrant que peu de liberté. Biensûr, même s’il existe des mesures dérogatoires, l’organisation de la "navigabilité" en OPEX doit être similaire à celle utilisée en métropole. Ceci impose une cohérence dans l’organisation et les moyens utilisés.
Le système d'information logistique
L'essor des systèmes d'information combiné avec la nécessité de maintenir les traditionnelles "formes" pour des raisons de sécurité de la traçabilité a rendu les utilisateurs très dubitatifs. Il a été remarqué que 3 jours suffisaient pour enrôler un nouvel hélicoptère avec le traditionnel bac à fiche, et qu’il en faut aujourd'hui près de 10. Pourtant, la gestion technique et logistique des H/C nécessite un système d'information performant permettant d'alerter, gérer et communiquer. Le SIL (Système d'Information Logistique) cible du MCO aéronautique, Brasidas, est en cours de développement. Il devrait permettre l’harmonisation des fonctionnalités et procédures. En parallèle, une évolution des procédures de saisie des informations laisse envisager une nette amélioration de la "supply chain".
La coopération
La forte attente des État-major en termes capacitaires dans une période sous forte contrainte budgétaire représente une incitation à la recherche de coopérations. Or dans ce cas, les stratégies de soutien sont naturellement orientées vers des solutions méthodologiques comme par exemple le SLI (Soutien Logistique Intégré) pour le Tigre. Mais souvent lors de l'exploitation dans des contextes différents de systèmes aussi polyvalents, les concepts évoluent. Lorsqu’il s’est avéré nécessaire de réaliser des visites intermédiaires rapprochées sur le Tigre, le concept initial de maintenance "selon état" a évolué vers la "maintenance préventive". Pour les programmes en coopération, une telle évolution conduit à abandonner toute idée de Pooling & Sharing, concept proposé par l'Allemagne et la Suède lors de la Présidence suédoise du Conseil de l'Union européenne de 2009.
Ces quelques constats sont à l'origine de sérieux problèmes de disponibilité des hélicoptères qui font l'objet de toutes les attentions. Pris isolément, il est peu réaliste de blâmer la navigabilité pour un manque de rechange. Mais si le SIL n'est pas à jour ou pas complètement renseigné, la combinaison des exigences conduit immanquablement à de nombreux cas de désynchronisation des actes de maintenance provoquant immanquablement des retards.
Quelles pistes d'amélioration?
Les responsables de soutien en service (RSS) de la SIMMAD, au contact direct des équipes de programme sont pleinement impliqués dans l'optimisation des concepts de soutien. Ils coprésident avec la DGA la réalisation d'études au sein du collège du MCO Aéronautique permettant d'approfondir leurs réflexions en vue de l'obtention de résultats concrets.
L'innovation
Les évolutions technologiques comme le RFID (Radio Frequency IDentification) ou le HUMS (Health & Usage Monitoring System) sont prometteuses tant pour la logistique que pour la technique. Les imprimantes 3D représentent une technologie de rupture et les capacités du Big Data pourraient permettre une nouvelle approche du RETEX. Enfin, les systèmes d'échange de données Acars (Aircraft Communication Addressing and Reporting System) utilisé par les compagnies aériennes sont particulièrement intéressants pour les futurs drones de combat. Mais ne le seraient-ils pas également pour les hélicoptères d'attaque ou de manœuvre ? L'innovation peut aussi prendre sa place dans la relation avec les industriels. L'ingénierie contractuelle concerne non seulement les optimisations comme l'allongement de la durée des contrats pour une meilleure visibilité ; celle-ci devant conduire à une meilleure disponibilité. Mais aussi, elle doit permettre de regrouper, factoriser ou unifier les contrats pour un juste partage des responsabilités. C'est particulièrement d'actualité pour les hélicoptères.
« LES SOLUTIONS TECHNIQUES UTILISÉES POUR LE VOL DES VOILURES TOURNANTES SONT PLUS COMPLEXES QUE CELLES DES VOILURES FIXES »
Les outils : plateaux, Supply Chain et feuille de route
Les plateaux Etat-Industrie sont des structures collaboratives qui peuvent se révéler opportune pour répondre à des enjeux à la fois opérationnels, techniques, organisationnels et économiques. Cet outil a fait ses preuves mais nécessite une forte gouvernance pour une bonne allocation des actions et de leur suivi.
La logistique étatique a souvent été considérée comme peu efficace mais reconnue comme indispensable pour les OPEX. Une nouvelle "supply chain" étatique et en cours de montée en puissance. Sa mise en place rapide est nécessaire à l’heure où de nombreux programmes s’orientent vers le fonctionnement en mode guichet: le guichet tenu par l’industriel récupère une pièce défectueuse qu’il remplace par une nouvelle en bon état. La feuille de route est un moyen efficace permettant de traiter la plupart des évolutions nécessaires. Elle défini les étapes clés tant financières que techniques pour anticiper un changement de technologie. Partagée entre les différents acteurs elle représente l’objectif commun de l’équipe de programme et fédère les énergies.
Jean-Marie Bergeaud, IC1ETA, Chef de la composante des responsables du soutien en service (RSS)-SIMMAD | |
RSS drones et armement sol-air à la SIMMAD, Jean-Marie Bergeaud a commencé sa carrière à DGAEV principalement par les essais du Tigre. Il intègre ensuite l'OCCAR à Bonn pour l'acquisition des moyens de formation de cet hélicoptère. De retour en France, après le CID, il s'implique dans la préparation de l'avenir au SASF puis dans les RI qui le conduisent à Stockholm comme attaché de défense. |
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