MOI MOP XIV
Interview d'un MOP récent, 2010
La CAIA : Quel était l’enjeu majeur de ton mandat de MOP?
L’enjeu majeur de mon mandat était la mise en service du système d’armes M51 sur le SNLE NG (on dit SNLE de 2ème génération aujourd’hui) en 2010, mise en service qui conditionnait l’entrée du Terrible dans son cycle opérationnel. La première sortie à la mer du Terrible avait eu lieu début 2009 et, comme il s’agissait du 4ème SNLE de la série, la plate-forme était déjà mature quand j’ai pris mes fonctions en septembre de la même année. Restait « simplement » et surtout à qualifier le système d’armes M51, à la fois dans les moyens de mise en œuvre des missiles à l’île Longue et à bord du SNLE et dans les réalisations de tirs depuis le sous-marin. Le Terrible et son système d’armes M51 devaient absolument être mis en service opérationnel en 2010 : tous les SNLE de première génération ayant été retirés du service, la permanence à la mer reposait sur les trois premiers SNLE NG et leur imposait d’attendre l’arrivée du Terrible pour reprendre leur cycle d’entretien...
La CAIA : Qu’as-tu fait de plus extraordinaire (que tu n’aurais jamais imaginé faire...) ?
En décembre 2009, les différents moyens de mise en œuvre du missile M51 à l’île Longue (constitution de la charge utile, jonctionnement de la charge utile au vecteur, transport du missile ainsi constitué vers le bassin pour son embarquement dans le sous-marin) étaient validés industriellement. C’était d’ailleurs l’un des résultats de mon poste précédent, directeur de programme M51. Pourtant, quand il a fallu passer de la validation industrielle à la qualification par l’Etat, nous nous sommes rendu compte que du chemin restait encore à faire... En particulier, les procédures décrites dans les « check lists » étaient perfectibles. Nous étions dans cette situation intermédiaire, avec un système validé industriellement mais encore non approprié par ceux qui devaient l’utiliser, quand il a fallu embarquer le missile destiné au tir de synthèse dans Le Terrible. La tenue de la date de tir, janvier 2010, était un impératif si l’on voulait respecter l’objectif d’une mise en service avant la fin de l’année. Dans ces conditions, l’embarquement du missile de tir n’a été rendu acceptable que par une « forte » surveillance étatique pour garantir à nos différentes autorités que, malgré la jeunesse du système, toutes les procédures de mises en œuvre (et leur esprit) seraient respectés. C’est ainsi que trois MOP, un ancien, le présent et un futur (sans oublier le DP M51 en charge, Nicolas Dague), se sont relayés pendant les deux jours pleins qu’a duré l’embarquement : Christophe Fournier (MOP 13), moi-même (MOP 14) et Pierre Pennanech (actuel MOP 17). C’est un souvenir impérissable ! Pendant ces deux jours, la température est restée en dessous de 0°C sur la presqu’île de Crozon et nous avons accompagné, gelés, ce missile qui progressait si lentement vers son emplacement à bord du Terrible... Au bilan, le missile M51, embarqué sous l’œil vigilant de trois MOP, a été tiré le 27 janvier 2010 achevant un développement commencé en 1992 sous le nom de programme M5.
La CAIA : Quel point technique t’a occupé sans que tu le voies venir?
Fin 2010, la dotation de missiles M51 est embarquée sur le Terrible. L’admission au service actif est prononcée. Le sous-marin est prêt à partir en mer quand un équipement de la plate-forme, le rotor d’un turbo-alternateur redresseur (TAR), refuse de se lancer convenablement et nécessite une intervention industrielle. Bien qu’il y ait redondance, il faut surseoir au départ du bateau. Pendant plusieurs mois, nous nous étions focalisés sur la qualification, la constitution et l’embarquement des missiles et, au dernier moment, nous avons été rattrapés par un problème sur un équipement réceptionné plusieurs années auparavant. Toute l’équipe de programme SNLE (élargie au SSF) se remet à travailler sur le fonctionnement du TAR, recherche les plans d’équilibrage du rotor; les réunions et les expertises se multiplient... Le domaine de fonctionnement de l’appareil est finalement retrouvé, le bateau part pour sa première patrouille avec quelques semaines de retard : une belle frayeur !
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