QUAND LES FRÉQUENCES REPOUSSENT LES LIMITES
ENJEUX SPATIAUX DE LA PROCHAINE CONFÉRENCE DES RADIO-COMMUNICATIONS
Alors que la 5G s’apprête à révolutionner bon nombre d’usages à la surface du globe, en partant une fois encore à la conquête de nouvelles ressources, très haut dans le spectre des fréquences, la conférence mondiale des radiocommunications 2019 prépare également l’arrivée au-dessus de nos têtes d’une vague de nouveaux systèmes. Ils apporteront leur contribution à la connectivité haut débit, à l’observation de la Terre, aux opérations de sécurité et d’urgence, comme aux activités et programmes scientifiques.
Attention cependant : ce foisonnement de nouvelles applications pour le spatial va exiger un accès au spectre garanti au niveau mondial, mais aussi des règles claires et simples pour réserver la ressource orbite - spectre... Des conditions indispensables à réunir pour sécuriser les investissements !
L’ANFr en bref
L’Agence nationale des fréquences (ANFr) contrôle l’utilisation des fréquences radioélectriques en France et assure une bonne cohabitation de leur usage par l’ensemble des utilisateurs. Cette ressource rare et stratégique appartient au domaine public de l’Etat qui en a confié la gestion à l’agence: celle-ci a pour mission de négocier, au niveau international, les futurs usages des bandes de fréquences et de défendre les positions françaises.
A 1000km de la Terre, une nouvelle couche de connectivité grâce aux super-constellations de satellites
Même si des constellations de satellites non géostationnaires fournissent déjà des communications mobiles, la majorité des services de télécommunications par satellite passent encore par des satellites géostationnaires, aux capacités massives pour les projets les plus récents (VHTS Konnect d’Eutelsat). Pourtant, au cours des trois dernières années, plusieurs projets de constellations de satellites non géostationnaires en orbite basse (altitude d’environ 1000km) ont vu le jour, et leur développement consacrera une rupture majeure, ébauchée il y a 20 ans. Outre la couverture universelle qu’ils apportent, ils présentent l’avantage d’une plus faible latence de bout en bout, élément déterminant pour les utilisateurs des services Internet, qu’ils se trouvent sur des plates-formes mobiles (trains, bateaux, avions) ou dans des zones encore mal desservies.
Au plan économique, le pari est risqué: ces projets nécessitent un grand nombre de satellites (environ 700 pour OneWeb)... et misent sur la réduction de taille de ceux-ci et l’effet de série pour compenser en partie les coûts. Le terminal de l’utilisateur nomade est en outre plus complexe, pour suivre le dé-placement et commuter entre deux satellites.
Parlons fréquences: ces nouvelles constellations demandent une pro-fonde révision des conditions réglementaires actuelles de mise en service des satellites, afin de les adapter aux réalités industrielles du déploiement de tels projets. Aujourd’hui, les fréquences réservées par des systèmes satellitaires doivent être en service dans les sept ans suivant la demande d’utilisation, ceci pour éviter la thésaurisation des ressources orbite - spectre: ce mécanisme efficace devient impossible à respecter quand il faut plusieurs dizaines de lancements pour achever le déploiement de ces constellations.
Beaucoup plus près de nos têtes, les plates-formes en haute altitude (HAPS): grande autonomie et polyvalence
Définis comme stations du service fixe situées sur une plate-forme en haute altitude, les HAPS (High-Altitude Platform Stations) visent à compléter les offres de connectivité existantes dans les zones à faible densité de population, constituant ainsi une alternative crédible aux réseaux terrestres et leurs coûts d’infrastructure, comme aux satellites géostationnaires et leurs temps de latence élevés.
Dirigeable Stratobus (Thales Alenia Space)
Positionnée à une altitude d’environ 20km, une seule station offre une zone de couverture de plusieurs centaines de kilomètres.
Autre avantage, la polyvalence: une telle plate-forme peut effectuer simultanément des missions d’observation, être déployée rapidement pour des opérations de sécurité ou d’urgence, et même pallier une défaillance des communications terrestres.Les industriels Airbus Defense and Space et Thales Alenia Space ont développé des concepts différents de HAPS: drones solaires Zephyr pour le premier, ballons Stratobus pour le second. L’américain Facebook qui avait développé le projet de drones Aquila s’est finalement associé à Airbus.
Les industriels français sont très actifs dans la promotion de cette technologie et contribuent active-ment aux travaux de l’Union Inter-nationale des Télécommunications, pour dégager dès la fin 2019 les nouvelles ressources spectrales qu’ils convoitent.
Drone solaire Zephyr (Airbus Defense and Space)
Bien loin du gigantisme, des systèmes plus discrets rendent de grands services à la collectivité, mais il faut garantir leurs moyens de développement.
Nano-satellites: les start-up de l’espace!
Les nano-satellites ont permis dans un premier temps l’arrivée dans l’Espace de pays qui n’avaient pas encore de politique spatiale, mais aussi d’universités et de start-ups souhaitant offrir à partir de ces satellites des services variés: observation de la Terre, transferts de don-nées (IoT), surveillance.
Environ 1000 nano-satellites, pesant entre 1 et 10kg, ont déjà été lancés, la plupart d’entre eux utilisant les normes CubeSats, ce qui a facilité leur intégration dans les lanceurs. Déployés sur des orbites basses, de 300 à 900km de la Terre, ils utilisent des bandes de fréquences, souvent en dessous de 1GHz, bien adaptées à ces satellites, pour leur exploitation comme pour les communications de données.
Les projets se multipliant, il est grand temps d’en consolider le dispositif fréquentiel, en s’assurant qu’il y a suffisamment de bandes disponibles dans cette partie du spectre, mais en veillant à conserver des conditions réglementaires suffisamment simples pour ce type de missions et d’acteurs.
C’est tout l’enjeu d’un point de la prochaine conférence mondiale, qui concerne plus largement les satellites dont la mission est de courte durée (moins de trois ans): trou-ver un équilibre entre le bénéfice de simplifications des procédures, essentielles pour les petits acteurs, et la protection d’utilisations à fort enjeu, présentes dans ces mêmes bandes, comme entre autres les radiosondes météorologiques.
Système ARGOS: mieux protéger ses satellites contre les brouillages, enrichir ses missions
Argos est un système de localisation et de collecte de données exploité par CLS, filiale du Cnes, qui permet d’assurer un suivi de l’environnement et des espèces animales. Actuellement, 22000 balises Argos envoient plus de 3 millions de messages par jour.
La CMR-15 avait su trouver des solutions réglementaires face aux fausses alertes dont était victime le signal de détresse du système dé-rivé d’Argos, Cospas-Sarsat, visant exclusivement l’alerte et la localisation en cas de détresse. La CMR-19 devra quant à elle trouver les solutions réglementaires innovantes pour protéger la réception des satellites de collecte de données comme Argos. Les risques de brouillage sont liés à la faible puissance des balises, à leur taille parfois très petite (quelques grammes pour des balises portées par des oiseaux), face aux émissions à forte puissance d’autres stations terriennes. Tout l’enjeu des négociations ouvertes sur ce point est de trouver des règles de bonne conduite pour limiter les puissances de ces émetteurs...
Ce n’est pas tout : Argos doit aussi évoluer, en se dotant d’un nouveau type de balises pouvant cette fois également recevoir des signaux depuis les satellites, pour optimiser à distance la collecte des données. Comme le statut actuel ne protège pas Argos d’une plainte pour brouillage, une solution est étudiée, sur initiative de la France: il s’agit de définir un cadre réglementaire plus sûr, apportant ainsi une véritable sécurité au développement de cette fonctionnalité, élément indispensable à son financement.
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