LA CONDUITE D’UN PROJET HORS NORMES
DINER DÉBAT AVEC PHILIPPE JOST
Pour notre cinquième dîner-débat, le 12 décembre, nous étions à nouveau une cinquantaine à avoir le très grand plaisir d’accueillir notre camarade Philippe Jost, président de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris.
Un dîner-débat sur un sujet unique, empreint de passions, s’est organisé à partir de nos traditionnelles trois questions et du visionnage de nombreuses photos de ce chantier exceptionnel, du drame de l’incendie de 2019 aux splendeurs du renouveau de Notre Dame de Paris :
1.Philippe, tu as été tout au long de ta carrière au cœur de la conduite des programmes d’armement à différents niveaux de responsabilité. Tu conduis aujourd’hui également un grand projet. Quels sont les points communs et les différences dans la conduite de ces projets ?
2.Le projet « Rebâtir Notre-Dame » suscite beaucoup d’attentes et de passions, en France et bien au-delà. Comment gères-tu ces attentes et les pressions associées, qu’elles viennent de la sphère politique, religieuse, médiatique... ?
3.Enfin peux-tu nous faire rêver, en cette période de l’Avent en nous décrivant quelques-unes des beautés que nous découvrirons à la réouverture de NotreDame et l’histoire de leur renouveau ?
Philippe nous a tout d’abord ramené au début de cet incroyable projet, quand le choix du président de la République s’est porté sur une figure d’autorité, connaisseur du monde de la haute administration et catholique pratiquant, le Général Georgelin, quand Philippe s’est retrouvé seul, avec le Général, pour prendre en charge cette mission, dont le caractère intangible du délai s’apparente à celui des programmes de la dissuasion.
Un incendie qui a entrainé une émotion mondiale le 15 avril 2019
La création de l’établissement public Rebâtir NotreDame de Paris, leur a donné l’outil pour exercer un véritable pilotage du projet, disposer des financements, être en mesure de passer les marchés…et leurs avenants, en réunissant les exigences de qualité de la reconstruction en conformité avec la doctrine patrimoniale et de la tenue du délai.
Dans le triptyque contenu, délais, coûts de la maîtrise d’ouvrage publique, le délai a été imposé par le président de République, le budget est heureusement disponible grâce aux dons en numéraire et en nature, le contenu sera un peu plus long à établir à la suite des études et par consensus pour une reconstruction à l’identique, en particulier pour la flèche de Viollet-Le-Duc. S’agissant de restaurer pour au moins huit cent soixante ans – l’âge de la cathédrale ! les techniques et matériaux d’origine s’imposent rapidement comme la seule solution fiable.
Malgré les voûtes effondrées et la flèche brisée, le grand corps de la cathédrale a pu être sauvé
Philippe nous a expliqué comment grâce à l’ensemble de son parcours à la DGA, il est en mesure de conduire le projet, désormais rompu à la gouvernance d’une « entreprise » et de ses comités, mais qu’en l’absence de maître d’œuvre système, inexistant dans le domaine du patrimoine, l’établissement public gère en direct dans les règles de la commande publique, les cent quarante marchés de travaux et de prestations dans des métiers très spécialisés notifiés en quasi-totalité à des PME et des indépendants. Philippe nous a loué la pertinence et maniabilité du code des marchés publics qui donne les outils nécessaires à la bonne exécution du projet.
L’intérieur de la nef restauré et débarrassé de ses échafaudages
En ce qui concerne les pressions, s’agissant du politique, l’objectif de délai fixé par le président de la République est un atout qui mobilise et permet de surmonter les freins administratifs ; la pression médiatique doit être gérée en permanence, en démontrant les progrès réalisés. La relation avec l’Église s’inscrit dans le cadre de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, l’État est propriétaire de la cathédrale et en charge de la rebâtir et l’Église est affectataire, c’est-à-dire un « utilisateur » qui « ne spécifie pas » la restauration, mais est directement en charge du mobilier liturgique, de l’éclairage, et gère les accès et la sûreté.
Philippe nous a livré les clés de la réussite dans la conduite de ce projet, un objectif politique sur le délai, la maîtrise sur le financement (ressource sécurisée et tenue du budget par la maîtrise des coûts), une équipe resserrée et passionnée (comme une PME), constituant un outil au poids de forme permettant à la direction de
Une réussite humaine autant que technique
projet de prendre et d’exécuter rapidement des décisions, des relations humaines fortes avec l’ensemble des acteurs. C’est cet ensemble qui permet de tenir les délais et les coûts... clés qui sont également celles de la réussite des programmes d’armement.
Avec passion, Philippe, nous a emmené dans un voyage à travers le temps, nous permettant de toucher l’incroyable audace des bâtisseurs du Moyen Âge et leur capacité à prendre des risques des bâtisseurs du Moyen Âge, en opposition aux principes de précaution qui se répandent partout aujourd’hui. Philippe nous a démontré combien l’humain est prépondérant dans la réussite des grands projets.
Notre-Dame renaît plus belle encore, reconstruite avec les matériaux et les techniques qui lui ont permis de traverser les siècles et elle sera ainsi en mesure d’affronter les prochains siècles ! Quel merveilleux legs pour les générations futures dans un monde vivant dans l’instant et l’immédiateté de notre civilisation de l’information.
Nous sommes tous impatients de découvrir ces merveilles... à partir du 8 décembre 2024.
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