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01 octobre 2017

DE COLOMBO À TOULON, UN MOIS AVEC LA MISSION JEANNE D’ARC

Avant leur prise de poste en septembre 2017, huit ingénieurs de l’armement ont embarqué sur le Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC) Mistral, dans le cadre de la mission Jeanne d'Arc de la Marine nationale. Cette mission de formation des futurs officiers de marine dure cinq mois, couvre près de trente mille nautiques et s’effectue depuis le désarmement de la « Jeanne » sur un BPC. Les IA ont accompagné les officiers-élèves pendant le dernier mois de navigation en passant par la mer Rouge.


J'avais quelques interrogations sur la manière d'aborder une telle mission dans un environnement si particulier. La première partie de traversée dura presque deux semaines de navigation en direction de la corne de l'Afrique. Nous avons notamment dû affronter une mer sept (vagues de 6 à 9 m de creux). Malgré la taille imposante du BPC, la vie à bord devenait difficile. J’ai eu la chance de ne pas être sensible au mal de mer, mais les mouvements du bâtiment généraient des accélérations intenses, créant une fatigue physique très palpable. Le passage du détroit de Bab-elMandeb (la porte des lamentations en arabe) au poste de combat nous a fait prendre conscience des confits et dangers géopolitiques bien présents Nous avons ensuite poursuivi notre route à travers la Mer Rouge, et franchi le canal de Suez. Ce fut une expérience particulière. En effet, cette langue d'eau salée (200 km de long, 300 m de large et 20 m de profondeur) percée à travers la terre africaine, modifie depuis sa création la face du monde maritime. Le Mistral y semblait vulnérable, malgré ses 22 000 tonnes et ses 199 m de long, enserré dans ce passage, complètement empêché dans ses mouvements. Lors de notre escale à Alexandrie, nous avons effectué une excursion dans la région du Caire. Cette visite s’est faite sous une escorte rapprochée et nombreuse, nous rappelant le contexte tourmenté de la région et le caractère sensible de notre présence.
Notre vie à bord était rythmée par le fonctionnement de l’Ecole d’Application des Officiers de Marine (EAOM). Nous avons eu la chance de bénéficier de conférences de grande qualité, dispensées par des instructeurs passionnés. J’ai particulièrement apprécié le cours de connaissance des chaudières nucléaires, autrement surnommé « Vap’ Nuc’ ». Nous étions bien intégrés dans la vie des élèves - offciers, partageant leurs postes. Les discussions à bâtons rompus à la rampe (la cantine) et les petites piques envoyées subtilement à l’endroit de la DGA rendaient la vie à bord bien animée. Nous n’avons pas manqué également de plaisanter sur le manque de connaissance qu’ils avaient de notre statut : à l’occasion de l’annonce du cycle de présentation de la DGA que nous avions préparé, les IA ont été annoncés comme les « Ingénieurs Aéronautiques de la DGA ». Nous avons aussi beaucoup échangé avec les administrateurs des affaires maritimes (les « AFFMAR »), présents à bord au même titre que notre promotion. Différents autres détachements étaient présents tout au long de la mission : la flottille 35-F de la Marine nationale et son hélicoptère Dauphin, la flottille amphibie (surnommée la Flophib) qui nous a fait prof ter d’un débarquement (et d’un barbecue à bord d’un chaland !) sur les plages du centre d’entraînement commando de Djibouti ou encore le détachement d’hélicoptères Merlin de la Royal Navy, grâce à qui nous avons pu faire un vol pour revenir de la frégate Courbet (que nous avions rejoint temporairement à l’occasion de l’escale à Alexandrie) sur le BPC.
Cette période a été très riche d'enseignements à de nombreux égards. Tout d'abord, concernant le rapport avec les forces armées. Il est important de ne jamais perdre de vue que nous travaillons à leur prof t et avec l’objectif de faciliter leur action. Par exemple, le milieu marin est un milieu intrinsèquement hostile, où l'homme ne peut aujourd'hui être que de passage. Et pourtant, c'est dans ce milieu qu'évoluent nos forces navales, affrontant des menaces d'origines humaines en plus de devoir être résilientes aux agressions de l’environnement. Ensuite, concernant les échanges et la connaissance mutuelle des acteurs de la défense nationale. Il est intéressant de constater, à travers les nombreuses questions posées par les marins, combien les forces armées peuvent avoir une connaissance parcellaire du rôle de la DGA, et vice versa. Cela prouve s'il en est, le rôle prépondérant des échanges tels que celui que nous avons effectué dans le cadre de cette mission. EnfIn, concernant le rôle de catalyseur de cet embarquement pour la constitution d'un esprit de corps, la réalisation d'activités au caractère très insolite (tir, exercices Visitex) dans un milieu restreint tel qu’un bateau a indéniablement été propice au développement de relations humaines de qualité. Cette mission constitue une expérience unique, qui cimentera pour le futur a cohésion de notre promotion. Le Général de Gaulle disait qu'« un homme peut avoir des amis, une nation jamais ! ». Dans les temps troublés que nous vivons, il est plus que jamais nécessaire de construire des relations solides avec nos amis car notre nation vit sous la menace;


Lors du carrefour des IA de mars dernier, on me demande à brûle pourpoint si je suis prêt à embarquer en juillet sur la « Jeanne ». Je suis entre deux affectations, je dis « oui »… Mercredi 21 juin, à l’aéroport de Roissy, j’attends l’avion qui doit m’emmener vers Colombo. J’attends surtout les 8 IA que j’encadrerai pour leur mission Jeanne d’Arc à bord du BPC Mistral. Ma mission est d’assurer l’interface entre le groupe IA et l’Ecole d’Application des Officiers de Marine qui forme les officiers-élèves de la Marine nationale lors de leur dernier semestre avant les affectations opérationnelles : superviser l’application du plan de formation issu des précédentes promotions, l’adapter aux besoins des IA sortant de la FAMIA, et mettre en place des activités « extracurriculaires ». Au cours de ce mois en mer, j’ai ainsi accompagné ces jeunes ingénieurs de l’armement dans la découverte de la Marine, au travers des conférences et témoignages dispensés par l’EAOM et officiers du bord, des exercices pratiques comme les séances de tir ou d’inspection de bord et des visites comme celles des installations du Mistral, la journée amphibie sur les côtes djiboutiennes ou notre passage de 3 jours à bord du Courbet et le retour vers le Mistral en hélicoptère Merlin. Un mois intense avec des activités variées à toute heure et de (trop) maigres escales au Sri-Lanka et à Alexandrie qui m’aura permis de rencontrer des nouveaux membres de notre corps et de contribuer modestement à leur formation et la découverte de leur mission à venir : apprendre à connaitre les forces qu’ils auront à équiper.

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