DES NATIONS À L'EUROPE, QUELLE SOUVERAINETÉ ?
Le 23 juin dernier, les Britanniques ont rappelé avec force, pour le meilleur comme pour le pire, l’importance que les peuples attachent à la maîtrise de leur destin.
Longtemps incertain, le résultat du referendum sur le Brexit est venu concrétiser une tentation partout perceptible en Europe, celle de la restauration « tout du moins en théorie » de la pleine souveraineté des États...
Au cours des derniers mois, les discours et les mouvements nationalistes ont pris de l’ampleur aux quatre coins du Vieux continent. Ils doivent leur succès à l’idée communément ressassée que la dissolution de la souveraineté serait à l’origine de tous les maux actuels. Paradoxalement, face au défi de flux migratoires mal maîtrisés ou à la menace terroriste, on fustige les fautes supposées de l’Union, alors que ce sont ses déficits, c’est-à-dire un manque d’Europe, qu’il faudrait plutôt dénoncer.
Le temps où Cardin Le Bret identifiait, entre les mains du monarque, une souveraineté bien circonscrite et « pas plus divisible que le point en géométrie » est en effet depuis longtemps révolu. Les processus d’intégration régionale, partout recherchés et principalement mis en œuvre sur le continent européen au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sont à l’origine de transferts volontaires de compétences au profit d’échelons supranationaux. Par la suite, l’intensification de la mondialisation est venue affecter la capacité d’action des États, dans la dimension économique, mais aussi dans le domaine régalien.
Au cours des trois dernières décennies, dans le but d’assurer une plus grande stabilité mondiale et leur prospérité, nombre de pays ont ainsi consenti à la restriction de leur autonomie à travers la mise en place de mécanismes internationaux de régulation, dont ceux de l’OMC pour accompagner la libéralisation des échanges, en allant même, avec la création de l’Union européenne, jusqu’à la reconnaissance d’une communauté de destin, d’intérêts et d’action entre les États membres.
Les Européens longtemps bénéficiaires au plan économique de cette situation ont cependant négligé de la consolider, notamment en ne développant pas les moyens de sécurité adéquats. A l’abri du parapluie nucléaire américain et certains qu’avec la chute du mur, la guerre était désormais vouée à disparaître au profit d’un nouvel ordre mondial définitivement pacifié, ils ont, à quelques exceptions près, négligé les outils de protection nationaux sans chercher
pour autant à mettre en œuvre une défense commune. L’Europe a ainsi fait preuve d’une insouciance stratégique, alors qu’elle se dispensait de construire une protection collective efficace sur le territoire qu’elle s’attachait à unifier.
La crise de 2008, la pression migratoire, les conflits de Géorgie et d’Ukraine et la multiplication des actes terroristes en Europe sont venus briser un optimisme géopolitique déjà ébranlé par les guerres d’Irak et d’Afghanistan. Dans un monde où les rapports de force se modifient et se tendent au détriment des Européens, la tentation du repli national ne constitue pourtant pas une solution.
L’Union européenne comme les États qui la composent doivent en effet adapter leurs outils à une réalité sécuritaire nouvelle où la frontière entre périls intérieurs et menaces extérieures se brouille. A la tradition séculaire du cloisonnement des forces et des institutions de sécurité, il faut substituer une logique de coordination et de concertation tant au plan national que dans le rapport entre Etats européens. Car l’Union n’affaiblit pas ses membres, elle est au contraire un garant essentiel de leur sécurité et donc aussi de leur souveraineté. Face à l’affirmation d’États-continents « les États-Unis hier, la Chine et l’Inde aujourd’hui », l’association de 500 millions de citoyens lui confère un poids et une liberté d’action qui sont gages d’indépendance.
Des progrès concrets dans le domaine de la sécurité et de la défense sont donc impérativement attendus. L’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie commune, la protection collective de nos frontières, la coopération accrue en matière de sécurité et de défense sont autant de chantiers prioritaires comme le rappelle la feuille de route du sommet de Bratislava. S’y ajoute en matière d’armement, un nécessaire effort de rationalisation industrielle afin de favoriser, davantage encore, l’essor de champions industriels européens de taille mondiale. La France, en raison de sa base technologique de défense et forte de la qualité de ses ingénieurs de l’armement est appelée à jouer un rôle décisif en la matière. Elle peut compter à cet égard sur l’action du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale qui travaille en interministériel à la définition d’une feuille de route pour l’Europe de la défense et de l’armement, notamment en ce qui concerne les transferts intracommunautaires.
Aucun commentaire
Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.