A NEW FRONTIER
« A new frontier ». C’est ainsi que John Fitzgerald Kennedy marque les esprits lors de son discours d’acceptation de son investiture à la course présidentielle en 1960, désignant l’espace comme une « nouvelle frontière ». Le nouvel horizon de développement du savoir humain est nommé, la course à l’espace est lancée.
A l’image de nombreux progrès dans l’histoire des sciences et des techniques, ce sont d’abord les applications militaires qui ont tiré le développement de l’industrie spatiale. Si nous sommes aujourd’hui l’un des rares pays au monde à maîtriser toute la palette des technologies de ce secteur hautement stratégique, c’est en premier lieu parce que le général de Gaulle a souhaité doter la France d’une force de dissuasion, nécessaire au plein exercice de sa souveraineté. Dans cette aventure où notre pays fait figure de pionnier, les ingénieurs de l’armement ont joué un rôle de premier plan.
Aujourd’hui l’irruption des méthodes d’innovation de rupture dans le secteur spatial – ce que l’on appelle communément NewSpace – remet profondément en cause ce paradigme. Ce sont désormais les acteurs privés, et non plus seulement les Etats, qui tirent le développement économique de l’industrie spatiale, désormais plus flexible, plus innovante, plus connectée aux différents segments de l’économie. Ce virage crucial pour le développement de nos sociétés, les Etats-Unis et la Chine en ont pris depuis longtemps la mesure. L’émergence-éclair de Space X, que personne n’attendait et qui s’est imposé en cinq ans comme le concurrent principal d’Arianespace, le démontre. Space X n’est que l’exemple le plus visible d’un phénomène de fond : tout un écosystème d’entreprises, de start-up, de laboratoires et de pôles d’innovation se constitue progressivement autour de la production et de l’exploitation des données issues de l’espace. De ce bouleversement majeur de nos schémas économiques traditionnels, l’Europe ne saurait rester à l’écart.
Car l’aventure spatiale est probablement la plus européenne des grandes entreprises industrielles auxquelles la France ait pris part. Si la maîtrise du ciel et de l’espace est une tradition nationale hautement enracinée dans l’excellence de nos savoir-faire, ce n’est qu’au prix d’une collaboration permanente avec nos grands partenaires européens : des réalisations technologiques aussi ambitieuses que le lanceur Ariane ou les satellites Galileo et Copernicus n’auraient jamais pu voir le jour sans coopération. Le premier tir réussi d’Ariane a eu lieu il y a exactement quarante ans, en 1979, l’année même où les premières élections du Parlement européen au suffrage universel se sont tenues. C’est une coïncidence. C’est aussi un symbole.
Ne soyons pas naïfs, l’espace n’est pas seulement un formidable champ d’opportunités scientifiques ou économiques. C’est aussi un terrain potentiel de confrontation où les grandes puissances n’hésitent pas à défendre leurs propres intérêts. Dans cette entreprise palpitante mais exigeante, où tout ou presque reste à inventer, j’attends des ingénieurs de l’armement qu’ils continuent de veiller aux intérêts fondamentaux de la France, à commencer par son indépendance et sa prospérité. Je sais qu’ils pourront s’appuyer sur leurs capacités d’innovation et leur maîtrise des systèmes complexes, autant d’atouts dont ils font profiter la France depuis plus de cinquante ans.
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