SERVIR LES INTERETS DE LA NATION
Au chapitre quatre de l’essai qu’il consacre aux causes « De la grandeur et de la décadence des Romains », Montesquieu écrit : « Les Romains eurent bien des guerres avec les Gaulois. L’amour de la gloire, le mépris de la mort, l’obstination pour vaincre, étaient les mêmes dans les deux peuples ; mais les armes étaient différentes ; le bouclier des Gaulois était petit et leur épée, mauvaise ». Bien des batailles, militaires ou industrielles, se remportent par la détermination, le courage. Elles se remportent aussi souvent grâce aux bons outils, aux « meilleures armes », qu’elles soient techniques ou intellectuelles. D’où l’intérêt d’avoir toujours les bonnes, les plus perfectionnées, les mieux adaptées.
La nouvelle année est en général l’occasion de dresser un bilan et de tracer des perspectives. C’est encore plus vrai quand elle coïncide avec un anniversaire, en l’occurrence le cinquantième anniversaire de la création du corps des ingénieurs de l’armement. En m’exprimant dans ce magazine, je veux d’abord rendre hommage à mes prédécesseurs. Pas uniquement aux plus récents. À tous mes prédécesseurs qui, avec patience, avec détermination, avec courage ont bataillé durant des siècles pour que la France dispose d’un armement d’excellence. Un armement qui garantit sa place sur la scène internationale et qui constitue notre héritage. Cet héritage, nous devons le préserver. Nous devons aussi l’adapter, le perfectionner pour le transmettre à nos successeurs.
La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale que nous avons conduite l’an dernier à la demande du Président de la République l’a rappelé : le développement du risque terroriste, autour duquel nous avions commencé à réarticuler notre posture de défense, s’accompagne désormais d’un durcissement de la compétition militaire entre Etats. Dans cet environnement géopolitique et technologique en perpétuelle évolution, les pouvoirs publics, tous les Français, doivent pouvoir s’appuyer sur des femmes et des hommes aptes à saisir l’esprit du temps, pour préserver les intérêts de la Nation.
La Loi de programmation militaire, en cours de préparation, traduira cette ambition de manière très concrète, en fixant le cadre des ressources allouées au ministère des Armées pour la période 2019-2025. Son but ? Garantir un modèle d’armée soutenable, complet et équilibré, capable de faire face aux défis sécuritaires présents et à venir. Pour y parvenir, nous devrons faire preuve d’anticipation et d’agilité. Deux qualités que le corps des ingénieurs de l’armement cultive et met en œuvre depuis sa création.
Deux qualités qui ont également marqué son histoire et ses métiers. Sous l’impulsion du Général de Gaulle, la France a simplifié l’organisation de son armement. La création, en 1961, de la délégation ministérielle pour l’armement, future direction générale de l’armement, a permis d’unifier la maîtrise d’ouvrage des programmes militaires. La naissance, en 1968, du nouveau corps de l’armement a répondu, quant à lui, à un enjeu stratégique. Celui de constituer une force de frappe nucléaire autonome garantissant notre indépendance de décision. Cinquante ans après, le travail de ces ingénieurs a permis à la France de se doter de capacités conventionnelles de premier rang, qui font aujourd’hui de notre pays la deuxième puissance occidentale en termes de capacités de projection et d’intervention.
Le corps des ingénieurs de l’armement répond aujourd’hui à une double nécessité pour le bon fonctionnement de l’Etat. La première est de conserver la maîtrise technique de ses principaux instruments de souveraineté, dans le respect de ses alliances et de ses engagements internationaux. En assurant l’équipement de nos forces, en préparant l’avenir des systèmes de défense et en participant à la promotion de nos exportations d’armement, les ingénieurs de l’armement sont un rouage essentiel de notre indépendance.
Mais ils représentent aussi une réserve d’expertise indépendante de très haute valeur ajoutée à la vocation interministérielle. Formés à la maîtrise des systèmes complexes, ces ingénieurs sont appelés à rayonner au- delà des institutions militaires, que ce soit dans les autres ministères, dans des fonctions internationales et dans le secteur privé. Alors que le Gouvernement conduit un important chantier de réforme du soutien aux entreprises, avec le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, la France, son industrie ont besoin de la compétence des ingénieurs de l’armement, en particulier dans le domaine de la gestion de projets industriels.
Les pages qui suivent rendent hommage à quelques-unes de ces aventures industrielles emblématiques, qui sont autant de réalisations majeures pour la France. À cet égard, nous célébrons certes, le cinquantième anniversaire du corps de l’armement. Mais l’année 2018 marque également le vingtième anniversaire de la disparition d’Henri Ziegler. Ingénieur, aviateur, résistant, il est aussi un très grand capitaine d’industrie, un des fondateurs d’Airbus. En cela, il symbolise parfaitement la très grande diversité de services que les ingénieurs de l’armement peuvent rendre à leur pays, à des moments différents de leur parcours. Et de notre histoire.
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