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28 octobre 2021

VOIR CLAIR SUR LE LONG TERME

Publié par Xavier Darcos, Chancelier de l'Institut de France | N° 124 - SOCIÉTÉS SAVANTES ET ACADÉMIES

Il est heureux que le magazine des ingénieurs de l’armement consacre ce très riche numéro aux sociétés savantes et aux académies. Le chancelier de l’Institut de France est honoré d’avoir été invité à en écrire la préface.


Fondé en 1795, l’Institut de France est l’une des plus anciennes institutions républicaines, et l’un des plus beaux héritages à la fois des Lumières françaises et de la longue histoire des académies. Les cinq académies qui composent l’Institut ont vocation à couvrir tout l’horizon du savoir, des lettres et des arts, de la musique à la finance, de la biologie au grec ancien, de la sociologie à l’astrophysique, de la chorégraphie au droit international. « Il y a pour toute la République un Institut national », disait la constitution de la Première République. Mille spécialités réunies par un même esprit.

L’Institut de France, qui entretient avec de nombreuses sociétés savantes des relations fécondes, s’efforce de mieux faire connaître et de diffuser l’esprit académique, sous toutes ses formes, qui est à mes yeux indispensable dans une démocratie moderne. En effet, contrairement à ce que la facilité incite à croire, il s’agit moins de préserver la tradition que de préparer l’avenir.

Alexis de Tocqueville, qui siégea dans deux académies et sut vanter, avec beaucoup d’éloquence, l’esprit de ces institutions, avait évoqué, dans la seconde Démocratie en Amérique, « [...] l’avenir, juge éclairé et impartial, mais qui arrive hélas toujours trop tard ». Il soulignait ainsi le hiatus qui existe souvent en démocratie entre le court terme et le long terme. Avec un certain optimiste, au fond, il estimait que les vicissitudes de la vie démocratique finissent par s’effacer devant le jugement de l’avenir, en faveur des évolutions les plus positives, de même qu’en science les querelles de savants s’oublient tandis que l’on ne retient, avec le temps, que les théories les mieux fondées.

La question est de savoir qui peut aider la démocratie à y voir clair sur le long terme. Les instances de conseil sont foisonnantes, tant dans l’État que dans la sphère privée. Celles qui portent le nom d’académies ont un rôle essentiel, car plus que jamais, la Nation a besoin de mesure et d’indépendance dans le débat public. Elle a besoin des organismes qui savent distinguer le savoir véritable de la mystification, qui peuvent éclairer les pouvoirs et l’opinion, qui réfléchissent librement dans une autre temporalité que celle de la vie politique. Alors que le temps médiatique impose son rythme précipité au temps démocratique, le temps académique est émancipateur. Il permet à la démocratie, souvent prisonnière du court terme, de mieux anticiper l’avenir avec la lucidité et la hauteur de vue nécessaire. Au fond, le rôle des académies est de faire en sorte que « l’avenir, juge éclairé et impartial » n’arrive pas toujours trop tard.

Auteur

Xavier Darcos, Chancelier de l'Institut de France

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