INGÉNIEURE, PRÉFÈTE, BANQUIÈRE
Issue du corps des ingénieurs des études et techniques d’armement, Magali Debatte a servi la Marine Nationale pendant 10 ans, puis a consacré 20 ans au ministère de l'Intérieur, notamment en tant que préfète de département. Depuis mi-2022, elle est à la tête de la Banque des Territoires pour le Grand Est.
Un Passé d'Ingénieur dans l'Armement
Ma carrière a débuté dans l'armement, en tant qu'ingénieur en charge de l'entretien des SNLE. Ce poste m'a permis d'appréhender la diversité et la complexité du tissu industriel français. C’était un temps où le matériel d'armement disposait dans mon domaine d’action d’une avance technologique sans équivalence dans le monde civil.
La fin des années 90 marquait le début des grandes transformations dans l’industrie de l’armement, tant dans les relations entre celles-ci et les armées qui se contractualisaient, que dans les changements internes d’établissements alors publics qui se privatisaient, sous le contrôle de l’État. Dans le même temps, le rôle de l’État en tant que stratège se renforçait avec la mise en place de programmations militaires qui allaient s’étirer dans le temps du fait de contextes budgétaires de plus en plus contraints. J’ai vécu ces transformations sur le terrain. J’ai participé à mon niveau à la structuration des premières relations contractuelles entre client et entreprise dans le cadre de la loi MOP entre deux mondes qui auparavant travaillaient en quasi-symbiose. L’enjeu était alors de bien opérer la partition des risques entre les deux parties : opérationnel d’un côté et technico-financier de l’autre.
Rôle stratégique à la DATAR
Mon passage à la DATAR au début des années 2000 a été déterminant dans mon parcours. De grandes questions pesaient sur l’avenir de l’industrie en France et j'ai eu l’opportunité de pouvoir contribuer à la conception et à la structuration d’une nouvelle politique publique en faveur de l’industrie, centrée sur l’identification et le soutien de pôles de compétitivité sur le territoire. A partir du constat que les principales compétences scientifiques et technologiques n'étaient pas systématiquement implantées là où l'industrie les mettait en œuvre, il s’agissait de mieux structurer le soutien de l’État aux filières industrielles stratégiques.
Les années 2000 et suivantes ont été pour les industries de l’armement des années de restructuration. C’était le tout début des mouvements d’intégration verticale de grandes entreprises dans le cadre de programmes de coopération négociés au niveau européen.
Mission de Préfète et Enjeux Territoriaux
Des entreprises sous-traitantes de l’armement sont parfois situées dans des territoires éloignés des centres de décision. Elles sont confrontées dans ces territoires à des difficultés particulières, en matière d’emploi, de formation de leurs salariés, de fourniture de matière première (mis en exergue lors de la période COVID) ou de raccordement au réseau électrique, de prix ou de disponibilité de l’électricité ou du gaz (au moment des périodes de grand froid ou de canicule), de règles de marché public, d’intelligence économique…
Ces entreprises comptent fortement dans ces territoires sur le soutien des pouvoirs publics sur des sujets qui ne se posent pas dans les grandes villes, comme celui de pouvoir accéder à la fibre et au haut-débit !
Entre 2017 et 2022, mes fonctions de secrétaire générale auprès du préfet de la région Hauts-de-France puis de préfète de la Creuse et ensuite de la Charente m’ont amenée à être au plus près des milieux économiques et de leurs attentes. J’ai rencontré des patrons de PME œuvrant pour le secteur de la Défense dans des domaines très pointus et dont je pouvais mesurer toute l’importance pour les Armées. Il me semblait important en tant que représentante de l’État d’être à l’écoute des multiples besoins et surtout de pouvoir apporter des réponses adaptées.
20 janvier 2022 : BA709 de Cognac, vol d’instruction en Pilatus avec l’instructeur, centre de formation des pilotes de chasse et de drones - piste utilisée fréquemment pour les visites officielles des autorités en Charente.
Vers un métier de banquier
Après trente années au service de la Défense puis de l’Intérieur, c’est à la faveur d’une nouvelle opportunité que je me suis orientée vers le métier de la finance dans une banque publique comme directrice Régionale de la Banque des Territoires
Je pilote l’activité financière de la Banque des Territoires sur le territoire de la région Grand Est. A l’été 2022, le groupe Caisse des dépôts et consignations (CdC) consacrait « les Souverainetés » comme axe stratégique du groupe, aux côtés de deux autres axes : « la transformation écologique et énergétique » et « la cohésion sociale et territoriale ».
Le groupe CDC, sous l’impulsion de son directeur général Eric LOMBARD, entend renforcer son implication auprès du secteur de la Défense, secteur considéré comme un des vecteurs essentiels de développement et de cohésion du territoire national. À l’avenir, la Banque des Territoires comme l’ensemble de la CDC seront amenés à contribuer davantage à l’effort de la Nation et à la transformation du maintien de nos forces armées dans les territoires. On peut se demander quel rôle la CDC peut jouer entre les nouveaux enjeux d’autonomie stratégique au niveau européen, le financement public et les industries de défense du territoire national. Le constat est que l’industrie de défense et les infrastructures de défense reposent de plus en plus sur un modèle économique qui dépend de l’accès à des financements publics et privés et des alliances au profit de projets en coopération. Le groupe Caisse des dépôts et consignations s’adresse à cet écosystème comme à celui de l’industrie en général, en France.
À l’heure où l’Union Européenne est amenée à renforcer son bras économique, le groupe CDC intervient aussi au niveau européen via l’augmentation de ses participations dans Euroclear et Euronext, deux acteurs européens stratégiques des infrastructures de marché pour la zone euro. La souveraineté financière ne peut exister que par le renforcement de la place des banques publiques au niveau européen.
Au niveau national, le Groupe CDC est également un acteur qui prend sa part dans l’indépendance stratégique du pays via l’action de la Banque des Territoires et de plusieurs de ses filiales, par l’intermédiaire de ses prises de participations, qui renforce ainsi sa présence dans le secteur de la souveraineté énergétique dans des fleurons nationaux tels que RTE, GRTgaz, Suez, ou avec l’acquisition en 2023 d’une forte participation dans Coriance pour le développement des réseaux de chaleur.
Le groupe investit également avec Bpifrance et la Banque des Territoires, en injectant chaque année plusieurs centaines de millions d’euros de fonds propres dans des usines et entreprises, ou dans le cadre du développement d’un cloud souverain et citoyen.
Une continuité de vocation
Qu'il s'agisse de mon rôle en tant qu'ingénieur militaire, préfète ou banquière d’une banque publique, j’ai été souvent actrice et parfois témoin des transformations qui ont eu un impact profond sur l’organisation de notre économie et sur la capacité de notre pays à agir de façon autonome. Ma motivation reste aujourd’hui toujours la même : être utile et contribuer à des missions indispensables pour la France et mes concitoyens. C'est le pilotage et la stratégie dans l'accélération de la transformation qui sont mes moteurs principaux. Ainsi, à mon niveau et dans mon rôle, je continue à m’intéresser à l'industrie de défense, pilier de la souveraineté économique et de la sécurité de notre pays.
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