INTERVIEW DE THIERRY LEBLOND,
PRÉSIDENT DU NOUVEAU PÔLE DE COMPÉTITIVITÉ́ ENTER
La CAIA : Thierry, tu viens de tenir les premières réunions fondatrices du pôle de compétitivité ENTER qui réunit deux associations tournées vers le numérique. Quel en est l’objectif ?
Thierry Leblond : Le pôle Enter réunit deux associations qui œuvrent pour un numérique responsable : l’association Naos (Nouvelle Aquitaine Open Source), et l’association Digital Aquitaine, très bordelaise. Au total cela représente une quinzaine de salariés à temps plein et 45 organisations adhérentes, aussi bien des grands groupes et entreprises, des PME, des petites sociétés et des startups, des organismes de recherche comme les Universités, des collectivités territoriales comme des agglomérations.
Le principal enjeu à ce stade est que ces organisations aux profils très variés qui composent le Conseil d’Administration se mettent d’accord sur la gouvernance puis sur les projets à porter.
Au cours de la première réunion qui s’est tenue à Bordeaux, la plupart des postes élus du Bureau statutaire ont été pris par des Bordelais : c’était inadéquat pour les autres collectivités . Pour rétablir un équilibre géographique, c’est donc à La Rochelle que j’ai décidé d’organiser la réunion suivante portant sur la gouvernance du pôle car cette ville est très engagée dans une politique de zéro carbone net en 2040. Réussir à aligner autant d’intérêts sur un projet commun aussi ambitieux est extraordinairement inspirant.
« « ...ETILYACEUX QUI CREUSENT. » Le Bon, la Brute et le Truand »
Un conseil délocalisé le 4 septembre 2024 à La Rochelle
La CAIA : A quoi va servir concrètement ce pôle de compétitivité ?
Thierry Leblond : Ce pôle ambitionne d’être le premier pôle à Mission, une innovation juridique créée par la Loi Pacte en 2019. Il a pour vocation d’animer l’écosystème Néo-Aquitain et même de niveau national, puisque nous avons déjà des adhérents de la Région Auvergne-Rhône Alpes, comme Michelin, de la région Pays de Loire et les représentants de Grands Groupes comme Thalès ou Orange qui sont de niveau national. Le pôle a pour objet d’animer l’écosystème d’innovation dans le Numérique Responsable et de faire émerger des projets qui candidateront, après labellisation, aux appels à projets nationaux comme France 2030 ou européen comme Horizon Europe ou European Defense Fund, puis il devra communiquer sur les réalisations concrètes qui auront été faites. Il y a déjà 33 projets dans le tuyau, qui vont du Cloud aux usages dans la santé. Mais ce n’est pas gagné d’avance. En réalité nous avons 18 mois pour faire nos preuves et montrer des réalisations concrètes dans le domaine du numérique responsable
La CAIA : Le Numérique Responsable c’est quoi exactement ? Sur quels critères seront labellisés les projets et comment sera faite l’animation de l’écosystème ?
TL : Outre les critères imposés aux pôles de compétitivité au niveau national, nous avons nos propres critères qui sont calés sur la Mission du Pôle, sur l’Impact pour l’environnement et sur la décarbonation : la sobriété numérique (économie des ressources et le ré-emploi ou la réparation), l’efficience numérique (faire plus avec moins et avec le maximum d’effet de levier), l’inclusion numérique (la parité, la lutte contre la fracture numérique et l’illectronisme) et la souveraineté numérique (maîtriser notre destin numérique, être plus résilients, n’être conditionnés que par notre propre choix et contribuer aux Communs Numériques de préférence ouverts).
Notre approche, c’est faire émerger. C’est faire par la base. Ce qui est intéressant, ce n’est pas « ce que tu sais faire », mais « ce que tu veux faire ». C’est ce que j’ai dit aux administrateurs et aux adhérents lors de notre première réunion : « vous souhaitez porter un projet ? Écrivez au président en indiquant que vous êtes volontaire pour monter un groupe de travail de 10 personnes et pour l’animer. Nous vous donnerons des moyens mais c’est vous qui le porterez. » Sinon, nous ferons tous ensemble un constat d’échec ! Nous nous donnons trois mois pour mettre en place la gouvernance et 18 mois pour faire nos preuves sur des réalisations concrètes.
La CAIA : C’était pour toi un projet de t’investir dans un pôle de compétitivité ?
TL : J’ai été le premier surpris quand j’ai été pressenti, une semaine avant mon élection. Ceux qui me connaissent savent que je n’ai jamais caché mes engagements, qu’ils soient en faveur du logiciel libre et sécurisé, de la politique verte ou de la protection de l’environnement. J’aime aussi les missions difficiles comme le plan vidéoprotection de Paris, dont personne ne voulait prendre la responsabilité parce que trop politiquement risqué. Pourtant je ne sais pas trop pourquoi je suis arrivé là ! C’est une succession de circonstances que je n’ai pas recherchées. Une présence géographique depuis 1996, d’abord dans le groupe Snecma devenu depuis Ariane Group. Puis, une mutation en célibat géographique en 2006 au ministère des Armées, à la DGSIC (devenue DGNUM) sur la gouvernance technique des SIC du Ministère en assurant notre Souveraineté. Puis, en 2014, la création, avec mon fils et ses camarades de l’EPITA, d’une startup numérique, éditrice d’un logiciel de cyberprotection des données sensibles, qui s’est autofinancée depuis le début et, en parallèle, une nomination en tant qu’adjoint à l’environnement au maire de St Médard. Enfin, un dossier de contentieux juridique jusqu’en Conseil d’État sur un projet de déviation controversé au sein de Bordeaux Métropole et même une candidature aux élections départementales de 2021 . Il y a aussi l’implication dans les réseaux polytechniciens comme le groupe X-Bordelais que je préside depuis 1996.
Au président de région Rousset qui m’a proposé de relever ce challenge, je n’ai pas caché mes engagements politiques sous l’étiquette « Génération Ecologie ». Il a choisi de me faire confiance.
La CAIA : Quels sont tes atouts pour réussir et comment vas-tu arbitrer entre tes responsabilités de chef d’entreprise et cette présidence ?
TL : La première compétence clé , c’est la légitimité car, de mon point de vue, pour fédérer et monter des projets comme cela, il faut de l’expérience de terrain, de la compréhension technique, de la compréhension des mécanismes administratifs et politiques. Il faut aussi de l’énergie, de la détermination et une certaine transparence pour permettre d’avancer en vérité.
Pour les arbitrages de mon temps entre mon entreprise, ma famille et mes autres engagements, il n’y aura pas de problème. Je n’ai plus de mandat politique et j’ai surtout la ferme intention que les initiatives partent d’en bas. S’il n’y a pas de volontaires, nous serons tous perdants. Je le dis aux adhérents « n'attendez pas que ce soit une autre région qui le fasse, c'est votre rôle ! »
La CAIA : Peux-tu donner quelques exemples de projets de numérique responsable ?
TL : Nous serons le plus concret possible.
Ainsi, dans l’informatique, 80 % du bilan carbone c’est le matériel. Faire durer du hardware a un effet direct sur le bilan carbone. Si Windows oblige à passer de la version Windows 10 à la 11 et à changer de PC, mieux vaut installer une distribution Linux très proche de Windows 10, maintenue et puissante, sur la machine actuelle.
ENTER travaille déjà sur le projet de « Jumeaux numériques du Fleuve » porté par le Grand Port Maritime de Bordeaux, qui permet d’imaginer le devenir du fleuve Garonne dans les 50 prochaines années en tenant compte du changement climatique.
Un projet très concret est une meilleure gestion des flux aériens pour réduire les temps d’attente à l’approche des aéroports. Nous abordons aussi la souveraineté numérique à travers SecNumCloud ou le chiffrement de bout en bout, qui est l’objet de mon entreprise Parsec, ou encore l’inclusion numérique. La liste est longue et prometteuse!x
Auteurs
Coach professionnel certifié et accrédité "master practitioner" par l'EMCC.
Fondateur de Blue Work Partners SAS qui propose :<br>
- Formation au leadership
- Coaching de dirigeants
- Accompagnement d'équipes projets
X84, ENSTA, coach certifié IFOD,
Auteur du guide de survie du chef de projet (Dunod 2017).
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