« BENÉVOL À VOILE » : DU BÉNÉVOLAT EN CLUB SPORTIF AU BÉNÉVOLAT EN DIRECTION DE PROGRAMME
Impliqué comme bénévole dans la vie de mon club de vol à voile à Bailleau, pour les activités de promotion, d’entretien du matériel et de fonctionnement du club, je suis aussi un « directeur de programme » bénévole pour le développement d’un système de formation innovant et écologique pour le vol en planeur : l’Euroglider.
Le vol en planeur reste en France une pratique peu diffusée : la Fédération Française de Vol à Voile compte juste un peu plus de 10 000 membres, 160 clubs affiliés et environ 1 700 planeurs. Le corps des IA compte dans ses rangs une championne du monde dans cette discipline : l’ICA Anne Ducarouge figure régulièrement sur les podiums mondiaux.
Le vol à voile en club : quand le bénévolat s’appuie sur des valeurs
Le vol à voile est porteur à la fois de valeurs et de plaisir. Les valeurs de patience, d’humilité, de rigueur, de modestie, de solidarité, de conseil sont nécessaires et partagées par ses pratiquants.
Quant au plaisir, il est procuré par la symbiose avec les phénomènes atmosphériques qui mettent en mouvement les masses d’air dans lesquelles évolue le planeur pour se maintenir en vol et parfois parcourir de longues distances sur la journée : des vols de plus de 500 km – avec retour au point de départ ! – et de plus de 5 h sont monnaie courante en France, tant en plaine qu’en montagne. Cette activité est majoritairement pratiquée dans nos contrées entre mars et octobre, laissant aux autres mois de l’année le temps pour l’entretien des machines et des équipements. La très grande majorité des clubs de vol à voile ne fonctionnent que grâce au bénévolat de ses membres ; très rares sont ceux qui salarient un ou plusieurs permanents à temps complet ou partiel.
LA JOURNÉE TYPE D’UN VÉLIVOLE MOTIVÉ ET BÉNÉVOLE : . Arrivée avant 10 h au club ; . Ouverture des portes du hangar ; . Sortie des planeurs ; . Briefing du chef pilote : météo, consignes de vol, affectation des planeurs aux pilotes, programme de la journée ; . Equipement des planeurs : parachutes, batteries, ballast ; . Visite pré-vol des planeurs ; . Mise en piste (un pilote dans la voiture de piste et un autre qui tient l’aile pendant le roulage) : chaque membre se doit donc de faire 2 à 3 mises en piste ; . Déjeuner rapide vers 11h30 ; . Préparation du remorqueur : pleins d’essence, câble de remorquage, visite pré-vol ; . Premiers décollages selon les conditions météorologiques autour de 12 h ; . Eventuellement dépannages des planeurs posés à l’extérieur (en remorque, le plus souvent) par une équipe de deux personnes ; . Derniers atterrissages vers 19 h ; . Nettoyages, remises en état, rangement, enregistrement des vols ; … et un moment de convivialité qui peut se finir très tard ! |
Ce bénévolat s’exerce sur les multiples activités nécessaires au fonctionnement du club (planification, gestion), aux mises en vol et à la maintenance. Un club de 50 membres tous bénévoles décaisse environ 70 k€ par an (achats d’équipements, assurances, charges, entretien, essence du remorqueur…) et apporte en nature par les travaux bénévoles près de 40 k€. Ce qui explique très bien le modèle économique de cette activité. Concrètement, le bénévolat se déploie sur l’ensemble des activités du club :
- l’entretien annuel qui est fait par les membres : un binôme sur deux machines, représentant 4 journées de travail en atelier et permettant d’économiser environ 2 000 € par planeur si ces travaux devaient être confiés à un atelier spécialisé ;
- l’entretien des parachutes et des équipements (remorques, véhicules de piste, locaux) ;
- l’organisation de l’activité aérienne : la mise en piste des planeurs, le remorquage, le dépannage parfois sur des champs extérieurs, le rangement dans le hangar…
La formation initiale constitue également un challenge : les créneaux favorables pour la formation sont concentrés sur 6 mois de l’année et nécessitent des journées avec des masses d’air convectives, donc bien chauffées, mais pas trop sèches ni humides et des vents pas trop forts ! Les instructeurs sont également une ressource rare car souvent bénévoles eux-aussi. L'accès au vol à voile est donc trop souvent synonyme d'attente et près de 75 % des nouveaux inscrits abandonnent avant leur premier vol de lâché en solo. Car quand la période est propice, tous les pratiquants du vol à voile se ruent sur l'aérodrome et doivent donc faire la queue ! Afin de pouvoir augmenter le nombre de pilotes formés, avec une consommation limitée de ressources, le projet Euroglider a vu le jour.
Le projet « Euroglider » s’inscrit dans les démarches visant à promouvoir l’énergie électrique en aéronautique. Au-delà des études théoriques, l'objectif final est d'aboutir à un produit destiné à être industrialisé par un constructeur de l'aviation légère, capable de mener à bien sa production et son déploiement en Europe, et ainsi : - réduire les durées et les coûts de la formation initiale au pilotage ; - faciliter le développement de nouvelles plates-formes et structures de formation au pilotage ; - offrir aux pilotes d’autres milieux (armée de l’Air, Pilotes de ligne…), la possibilité de pratiquer le planeur en bénéficiant des spécificités de son pilotage et des connaissances liées au vol à voile ; - participer aux objectifs européens de limitation de l'impact environnemental de l'activité aéronautique de façon concrète, réaliste et en touchant un public élargi. |
Le projet Euroglider, le bénévolat en direction de programme
Ce projet a pour finalité le développement d'un planeur biplace de formation et d'entraînement de début, à propulsion électrique autonome et capable d’effectuer des vols complets d’instruction en s’affranchissant des contraintes aérologiques. L’utilisation pour la formation de base sera ainsi possible tout au long de l’année avec des coûts d’exploitation très fortement réduits (objectif 20 € l’heure de vol). Le tout avec un impact environnemental extrêmement faible en empreinte carbone et bruit. Ce projet est piloté par l’AEDEVV (Association Européenne pour le Développement du Vol à Voile : www.aedevv-egda.net). Véritable « Think tank » de bénévoles (dont votre serviteur) composé d’ingénieurs, de chefs d’entreprise et de champions de vol à voile, l’AEDEVV s’est associé à Dassault Aviation et aux écoles d’ingénieurs du groupe ISAE (Sup’aéro, ENSMA, ESTACA, Ecole de l’Air). Ici aussi, ce projet qui sera structurant pour le monde aéronautique, repose sur le bénévolat des membres de l’association, véritable équipe de « directeurs de programme », COP 21 compatibles ! La première phase des travaux a été consacrée aux études d’avant-projet qui ont porté sur les questions du stockage de l’énergie embarquée et des rendements du groupe motopropulseur afin de procurer l’autonomie nécessaire à l’enchaînement de plusieurs vols de formation consécutifs, sans exploitation des ascendances aérologiques.
La seconde phase a abouti au choix de la configuration définitive. Elle s’est appuyée sur des lots de travaux distincts confiés aux écoles d’ingénieurs : position du propulseur, énergie embarquée, optimisation des rendements du groupe motopropulseur et de l’hélice, exploitation en formation. Des logiciels de modélisations spécifiques ont par ailleurs été développés pour l’Euroglider afin de permettre à chaque groupe de travail de calculer les rendements et optimiser les configurations d’architectures une véritable « ingénierie système » du bénévole ! Le programme en est aux études de l’aérostructure et de l’intégration des systèmes jusqu’en 2018, puis les vols d’essais sur démonstrateur et une phase de pré-industrialisation par la suite.
Le management du projet est conduit par les référents techniques de Dassault Aviation et de l’AEDEVV, tous bénévoles, répartis sur quatre domaines de compétences : mise en œuvre et utilisation, cellule et systèmes, cadre réglementaire et environnemental, et enfin données économiques. Ces référents orientent les travaux des étudiants des écoles du Groupe ISAE.
Christian Chabbert, IGA | |
Christian Chabbert a consacré la majorité de sa carrière aux activités aéronautiques et a dirigé l’AIA de Clermont-Ferrand, puis le Service Industriel de l’Aéronautique. Il a été directeur des ressources humaines de la DGA avant d’être nommé Inspecteur Général des Armées auprès du ministre. Il compte plus de 3 200 heures de vol. Chargé en 2017 d’une mission bénévole sur le MCO aéronautique. |
Aucun commentaire
Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.