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Horloge optique à Strontium (Crédits : Observatoire de Paris/SYRTE)
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20 octobre 2021

LES ATOMES FROIDS BATTENT LA MESURE
LA CONQUÊTE DU TEMPS ULTRAPRÉCIS ET ULTRASTABLE

Comment est fourni le temps UTC sur la planète ? Quelle est la meilleure horloge au monde ?

Lumière et matière fournissent à ce jour des plateformes inégalables en termes de précision et de stabilité.


« Time is a social institution, and not a physical reality », nous propose le philosophe américain Alan Watts. Ceci pour nous rappeler qu’en effet, contrairement à bien d’autres quantités physiques, le temps n’est associé à aucune observable. Il est pourtant omniprésent dans les équations différentielles qui régissent le comportement de la matière, la dynamique des masses, des fluides, des ondes électro-magnétiques etc. Aujourd’hui le temps est également omniprésent dans nos vies, pour nous donner rendez-vous, pour connaître notre position dans l’espace, pour mesurer notre performance…

La seconde

La seconde est égale, depuis 1967, à la durée de 9 192 631 770 périodes du rayonnement correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental non perturbé de l’atome de Césium 133. Ce choix a été fait car les atomes constituaient alors les systèmes physiques les plus stables et les plus performants. Ils le sont encore aujourd’hui. De plus, ils oscillent à des fréquences très élevées (de l’ordre du GHz dans le cas de la transition hyperfine du Césium) ce qui permet de réaliser des mesures très précises. Comment cela ? Pour connaitre notre fréquence cardiaque, nous mesurons le nombre de battements du cœur pendant un temps donné. Il est clair que l’estimation est bien meilleure si l’on compte pendant 1 minute plutôt que pendant 5 secondes. Ainsi, plus le temps de mesure sera long, plus la fréquence estimée sera proche de la fréquence moyenne réelle. Il en est de même avec les atomes, le temps d’interrogation doit être le plus long possible. Pour mesurer, mais on pourrait tout aussi bien dire créer la seconde, il faut donc disposer d’une machine capable d’interroger la transition de l’atome de Césium. Ceci est fait dans ce qu’on appelle une « fontaine atomique ». Les atomes de Césium, refroidis par laser, sont jetés en l’air sur une distance d’environ 1 mètre, ce qui permet d’allonger le temps d’interrogation des atomes et d’obtenir une mesure précise et stable à environ 15 chiffres après la virgule. Ceci correspond à une dérive d’une seconde en 30 millions d’année, ou encore d’environ 7 minutes depuis la création de l’univers.

Systèmes de navigation par satellites : un défi de précision du temps

Le principe de créer un repérage grâce à des astres artificiels dédiés est simple. Chaque satellite émet régulièrement sa position spatio-temporelle (xi, yi, zi, ti). Dès que le récepteur capte les signaux émis par 4 satellites, il les décrypte, et détermine sa position (x, y, z, t) en résolvant, par itération à partir de la dernière position connue, un système de 4 équations à 4 inconnues. La différence entre le temps d’émission de chaque satellite et le temps de réception associé sert de base au calcul des distances entre récepteur et satellite. La précision de mesure de cet intervalle de temps est cruciale. Le Navstar GPS, développé à partir de 1973 par le département de la défense américain, est sans doute le premier système à avoir prévu des corrections de calcul liées à la fois à la relativité générale, et à la relativité restreinte :
• relativité restreinte, pour tenir compte de l’effet relativiste de la vitesse du satellite ;
• relativité générale, pour tenir compte de la déviation de l’onde électromagnétique par la masse de la Terre.
Les mesures de temps sont contrôlées, dans chaque satellite, par des horloges atomique, synchronisées entre elles et avec des bases à terre. En cas de réception de seulement 3 satellites, le récepteur GPS peut fonctionner en mode dégradé : en ce cas, il ne traite que les variables en x, y et t, et l’altitude est indéterminée. Le processeur d’un GPS est très spécialisé, avec deux fonctions essentielles : décrypter puis résoudre un système de 4 équations. Le décryptage, à plusieurs niveaux de confidentialité, permet au système de ne pas envoyer le même signal à différentes classes d’utilisateurs (officiels US, Alliés, autres).

Le temps UTC

C’est le Bureau International des Poids et Mesures qui est en charge de centraliser les données issues des laboratoires mondiaux qui produisent la seconde et de calculer les échelles de temps internationales tel que l’UTC (Temps Universel Coordonné). Aujourd’hui, une vingtaine de fontaines atomiques fonctionnent sur la planète, mais seulement une demi-douzaine contribue régulièrement à la définition du temps, et en particulier les trois fontaines d’un laboratoire français situé au sein de l’Observatoire de Paris : le SYRTE (pour Systèmes de Référence Temps-Espace). Grâce au fonctionnement quasiment ininterrompu de ses fontaines le SYRTE contribue à hauteur de 40% au pilotage mondial des échelles de temps internationales.

Les horloges optiques

Aujourd’hui, bien que la seconde soit définie sur la transition hyperfine du Césium, il existe des horloges dont la précision/stabilité est encore meilleure. Il s’agit d’horloges qui mesurent le temps non pas avec des fréquences micro-ondes (GHz) mais avec des fréquences optiques (100 000 GHz). Ces horloges atteignent des précisions et stabilité de l’ordre de 18 chiffres après la virgule. De nombreuses équipes de par le monde étudient et conçoivent des horloges de ce type pour repousser les limites de la physique. Par exemple, la relativité générale nous explique que le temps s’écoule différemment selon le champ gravitationnel dans lequel l’observateur est placé.  Les horloges optiques sont suffisamment précises pour détecter la variation d’écoulement du temps lorsque l’horloge est déplacée d’un mètre de haut à la surface de la Terre.

Du nouveau dans le temps très précis avec les horloges optiques

Le Breakthrough Prize 2022 et ses 3 millions de dollars (trois fois plus que le Nobel) sont allés, dans la catégorie physique fondamentale, au Japonais Hidetoshi Katori et au Sino-Américain Jun Ye pour la mise au point de leur horloge à réseau optique, d’une telle précision qu’elle relègue nos meilleures horloges atomiques actuelles au rang de vulgaires pendules.

Source les Echos 1er octobre.  

Et demain ?

Ces horloges optiques pourraient, à terme, remplacer les horloges micro-ondes pour la définition de la seconde. Il est cependant encore trop tôt pour savoir quel type d’horloge sera utilisé (à ions ou à atomes froids), ni quel atome sera choisi (Ytterbium, Strontium ou bien Mercure). Pour autant, les horloges optiques sont d’un grand intérêt pour tester les limites de la physique : mesure de la stabilité des constantes fondamentales, tests des principes fondateurs de la relativité générale (universalité de la chute libre par exemple) ou encore recherche de la matière noire. 

« Il est l’heure de s’enivrer ! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. » Charles Baudelaire

   

    
Raphaël Bouganne
Raphaël Bouganne a soutenu en 2018 une thèse sur le contrôle d’atomes ultrafroids par laser en vue de créer un champ magnétique artificiel (LKB, Collège de France, ENS, Sorbonne Université). Il est depuis juin 2019 le directeur de cabinet d’Eric Labaye, Président de l’X.
 

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