Si vous êtes partis en vacances en été, peut-être avez-vous cherché le trajet le plus court pour aller à la plage, le planning qui convienne à tous vos amis, ou le menu idéal pour profiter sans vous ruiner. Prendre des décisions (la route à prendre) en respectant des contraintes variées (les disponibilités de vos amis) et en optimisant un certain critère (le coût du repas) constitue de la recherche opérationnelle (RO). Cela peut se résoudre algorithmiquement, ce qui est fait d’ailleurs par certaines applications sur votre téléphone portable.

La RO entre mathématiques, informatique et maïeutique

Il s’agit d’optimisation combinatoire. Les problèmes à résoudre sont numériquement difficiles, c’est-à-dire qu’on sait théoriquement que des algorithmes naïfs ne peuvent pas les résoudre en un temps raisonnable (polynomial). Une grande partie de la recherche dans ce domaine vise à concevoir des algorithmes efficaces, donnant une solution si possible optimale, avec un temps de calcul court.

En plus de ce bagage théorique, les praticiens de la RO doivent mobiliser d’autres compétences pour proposer des outils algorithmiques pertinents. Il faut échanger avec les clients pour comprendre leur métier et les problématiques. Cela demande une démarche maïeutique et progressive, dans un cadre de conduite du changement. Il faut aussi une bonne capacité d’abstraction pour modéliser le problème réel, le simplifier sans le dénaturer.

La ROADEF

Les ingénieurs en RO partagent un métier, quelle que soit l’entreprise ou administration dans laquelle ils travaillent. Que le domaine d’application soit le ferroviaire, les télécoms, ou la défense, nos enjeux sont proches et il est donc important de se rencontrer régulièrement. Il est aussi vital de maintenir le lien avec la communauté académique, qui est de fait demandeuse de problèmes industriels réels pour stimuler la recherche sur de nouvelles approches algorithmiques. , Société Française de Recherche Opérationnelle et d’Aide à la Décision, est une plateforme d’échanges incontournable. Elle structure la communauté RO française par le congrès annuel et des séminaires réguliers. Elle regroupe des académiques (universités, écoles, chercheurs INRIA ou CNRS) mais aussi des industriels et des éditeurs de logiciels.

La connexion à la communauté

J’ai pu pendant ma thèse établir de nombreux liens avec cette communauté, à la fois par mon laboratoire d’accueil à Sorbonne Université, la R&D d’EDF, d’autres chercheurs avec qui j’ai pu collaborer en France et à l’étranger. Occupant désormais une fonction technique à la DGA dans le domaine de la RO, ces liens scientifiques me semblent clés pour plusieurs raisons.

Ils permettent tout d’abord une veille technologique efficace dans un domaine qui bouge vite : par exemple en optimisation combinatoire sous incertitudes, à l’interface avec l’apprentissage supervisé, ou autour des nouveaux paradigmes algorithmiques du quantique. Idem côté industrie avec les avancées des solveurs, libres ou commerciaux, dont les niveaux de maturité peuvent passer en quelques années du prototype académique au code industriel. 

 La ROADEF et son environnement permettent également de monter des partenariats sur des sujets de défense, comme celui, bien connu, de la conception des réseaux dans un contexte d’interconnexion croissante des systèmes. Sans oublier le maintien d’ un vivier de recrutement grâce aux formations de master spécialisés de très bon niveau.

Preuve supplémentaire de l’intérêt d’une thèse pour une IA : une vision large sur un domaine scientifique et technique, et son écosystème académique et industriel.

Adèle Pass-Lanneau X2013. Après un cursus en optimisation à l’ENSTA, Adèle Pass-Lanneau a été détachée auprès d’EDF R&D où elle a réalisé sa thèse en recherche opérationnelle. Elle a rejoint le CATOD (centre d'analyse technico-opérationnel de Défense) en mars 2021.