LA SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE FRANCE
LE RÉSEAU DES CHIMISTES
Comme l’industrie de l’armement, la chimie est souvent associée à des images très négatives auprès du grand public ; elle est pourtant au cœur de la vie quotidienne. La Société Chimique de France lutte contre ces préjugés pour faire comprendre l’importance sociétale de la chimie.
Lorsque l’on pense aux sociétés savantes, deux images viennent facilement en tête : celle d’un rassemblement de druides chevelus ou celles de Dr Faust, apprêtés de redingotes et chapeaux haut-deforme, discutant dans un amphithéâtre (le grand amphi de la Sorbonne ou l’amphi Poincaré de l’ancienne École polytechnique, que beaucoup de lecteurs connaissent sans doute, conviennent parfaitement à la scène). La Société Chimique de France (ou SCF), créée à Paris en 1857, a connu des membres ayant fait cours dans ces deux amphis. Elle ne se compose cependant pas que de savants fous se réunissant en forêt des Carnutes pour préparer des potions magiques à la pleine lune. On notera que la chimie est souvent associée à un certain ésotérisme dans les milieux scientifiques (notamment en classes prépa…) et a une image parfois très négative auprès du grand public. L’un des objectifs de la SCF est ainsi de contrebattre ces préjugés en agissant pour que le rôle de la chimie soit reconnu tant par les acteurs scientifiques que par les instances gouvernementales et la société. Ce travail est également porté au niveau européen et mondial (au travers de l’European Chemical Society et de l’International Union of Pure and Applied Chemistry dont la SCF est membre).
Cet effort de communication est notamment porté par le journal de vulgarisation de la SCF, L’Actualité chimique. Celui-ci s’adresse à un public scientifique francophone mais ne nécessite pas de connaissances approfondies en chimie pour être lu ; il était d’ailleurs souvent utilisé pour les épreuves d’analyse de documents scientifiques du concours d’entrée à l’École polytechnique. Le site internet de la SCF présente également un certain nombres d’outils pédagogiques à destination du grand public. Par exemple, une rubrique interactive « Actualité Chimique découverte » à destination des lycéens ou un recueil de fiches « Un point sur… » à destination principalement d’étudiants en licence ou master qui présente de façon succincte des grandes problématiques de recherche en chimie. L’objectif de ces outils pédagogiques est de faire comprendre que la chimie intervient dans la vie de tous les jours.
Un fort lien avec l’industrie
Si la plupart des partenaires de la société sont académiques (notamment avec le CNRS ou avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation), la chimie a traditionnellement un lien très fort avec l’industrie. Ainsi une division de chimie industrielle a été créée pour réaliser l’interface entre les sciences chimiques telles qu’elles sont souvent faites dans les laboratoires académiques et les applications industrielles. Cette division attribue également un prix annuel de 1500 € pour récompenser un scientifique ayant effectué un travail reconnu qui conduit, de plus, à une industrialisation.
Dans le cadre de son travail de mise en réseau des membres, la SCF s’engage également pour l’insertion professionnelle des chimistes en communiquant des offres d’emplois et de stages et en disposant d’une banque de CV accessibles aux membres. Le réseau des jeunes de la SCF organise également des évènements (présentations d’entreprises ou ateliers CV) pour aider les étudiants en chimie à s’intégrer dans le monde professionnel.
Quid des problématiques « défense » dans tout cela ?
De façon étonnante, la SCF n’a qu’assez peu de lien avec les armées. Ces liens assez distendus sont sans doute liés à une certaine frilosité du ministère des Armées à communiquer sur les activités du domaine NRBC. Un certain nombre de divisions scientifiques et/ou groupes thématiques de la SCF traitent pourtant de problématiques pouvant intéresser la défense (Division de chimie physique, Division de chimie des matériaux, groupes « Chimie et environnement », « Formulation », « Dégradation et comportement au feu des matériaux organiques », etc.).
Ces groupes thématiques animés par des scientifiques permettent notamment d’échanger sur des problématiques spécifiques aux interfaces de la chimie avec d’autres domaines/sciences. Ils permettent également d’accéder facilement à un réseau de chercheurs et industriels intéressés par certaines problématiques spécifiques. Les divisions scientifiques sont de plus grande taille ; elles organisent des conférences d’un très bon niveau scientifique et remettent des prix et des bourses (financement pour des congrès ou l’organisation d’évènements notamment). Elles sont un bon moyen de maintenir une expertise technique et scientifique, en se maintenant à jour des connaissances les plus avancées, et de connaître la communauté chimique française, ce qui peut s’avérer fort utile à l’heure de signer un marché d’étude ou même d’écrire les spécifications techniques de certains programmes d’armement.
En outre, lors de ces conférences ou congrès, il est souvent possible pour des partenaires industriels ou étatiques de disposer de stands de communication et parfois même de créneaux courts de présentation en conférence plénière. Ainsi nos homologues britanniques du DSTL tenaient un stand lors du congrès de l’European Chemical Society qui a eu lieu à Liverpool à l’été 2018. Ils ont pu ainsi assister à tout ou partie des présentations des chercheurs, présenter une partie de leurs activités et recruter du personnel qualifié.
La grande technicité des problématiques NRBC et la nécessité de maintenir une expertise de haut niveau devrait, en France aussi, favoriser un rapprochement entre les sociétés savantes, notamment la SCF, la DGA et l’Agence de l’Innovation de Défense.
Quelques défis de la chimie en 2021En 2021, un grand nombre de problématiques porteuses sont liées à l’environnement et visent à instaurer une chimie plus durable. Ainsi, l’amélioration de l’efficacité de la synthèse de l’ammoniac, produit de base pour la synthèse de la plupart des engrais (et 2 à 5 % de la consommation énergétique mondiale), est à l’origine depuis plus d’un siècle de l’un des « Saint Graal » des chimistes inorganiciens (l’activation en conditions douces du diazote). D’autres travaux porteurs du domaine s’intéressent à la photosynthèse artificielle ou aux batteries. La catalyse et l’optimisation de nombreuses réactions sont également largement étudiées dans l’optique de diminuer l’impact écologique de la synthèse de nombreux composés. Enfin, en chimie analytique, le traitement de la complexité et de la multiplicité des échantillons est l’une des problématiques majeures (et désormais souvent en interface avec les mathématiques appliquées et l’intelligence artificielle). |
La SCF en quelques chiffresForte de quelques milliers d’adhérents venant à la fois des milieux académiques et industriels, la Société Chimique de France est structurée en 7 divisions scientifiques, 2 divisions transverses, 14 groupes thématiques et 15 sections régionales. Un réseau des jeunes fédère les chimistes de moins de 35 ans et se décline lui-aussi en sections régionales. La SCF remet 3 grand prix (le Prix Achille Le Bel, le Prix Pierre Süe et le Prix Félix Trombe) mais aussi la médaille Lavoisier. Il existe également un certain nombre de prix attribués par chacune des divisions scientifiques ainsi que des prix multinationaux. Elle est, en sus de L’Actualité chimique, copropriétaire de 7 revues scientifiques à comité de lecture dont Chemistry : A European Journal. |
Mathieu Xémard
Après une formation par la recherche en chimie à l’École polytechnique, Mathieu Xémard est depuis 2018 chargé d’expertise et d’essais à DGA Maîtrise NRBC. Il est membre des divisions « Chimie de coordination » et « Chimie physique » de la Société Chimique de France.
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