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01 octobre 2017

ENTRETIEN AVEC EMMANUEL NOURDIN

Emmanuel Nourdin, ICETA, délégué aux réserves de la DGA. Ancien enfant de troupe, diplômé de l’ENSIETA dans l’option chimie poudres et pyrotechnie Emmanuel Nourdin a débuté son parcours à Giat industries avant de rejoindre la DGA où il a tenu des postes techniques et fonctionnels (DT, DRH, DS, DO) entrecoupés par un passage au commissariat de la marine à Brest. Il a pris ses fonctions de délégué au réserves le 1er novembre 2014 et rejoint l’échelon central du SMQ en septembre 2017.



La CAIA : Qu’est-ce que la réserve militaire ?

Suite à la professionnalisation des armées et à la suspension de la conscription, la réserve militaire a été profondément réformée en 1999. La réserve de masse a été remplacée par une réserve de complément individuel. Par ailleurs, pour répondre à l’inquiétude de la dégradation du lien armée-nation, une réserve citoyenne a été mise en place.

Dès 2000, les armées ont joué le jeu et mis en œuvre ce nouveau dispositif, avec les moyens dont elles disposaient. La réserve citoyenne, constituée de collaborateurs bénévoles du service public est restée embryonnaire tandis que la réserve opérationnelle de premier niveau, constituée de volontaire ayant souscrit un contrat d’engagement, a intégré essentiellement des anciens militaires d’active.

A la suite des attentats de 2015, la décision a été prise de faire remonter en puissance la réserve opérationnelle. Une direction de projet « réserves 2019 » a été créée pour simplifier le recrutement et l’administration, et améliorer l’attractivité et la fidélisation. Cela a conduit en octobre 2016 à la création de la Garde Nationale qui regroupe les réservistes opérationnels de toutes les forces armées et formations rattachées, dont la DGA, ainsi que la réserve civile de la police nationale. L’objectif affiché est de faire monter le nombre de réservistes opérationnels de 53 000 à 85 000 personnes en f n 2018. Ils seront répartis entre 40 000 pour les Armées, 40 000 pour la Gendarmerie, 5 000 pour les réservistes civils de la Police nationale. Cela devrait permettre de déployer sur le territoire pas moins de 1 500 personnes par jour. Tout a été centralisé pour plus d’efficacité, et pour l’instant, les jalons sont tenus, notamment grâce à un « sursaut citoyen » qui fait se lever un grand nombre de volontaires. Pensons à ce que cela représente comme travail d’assurer les visites médicales, l’habillement et l’équipement (identiques aux militaires d’active), la formation et un minimum de criblage par la DRSD pour des milliers de personnes.

La CAIA : De quand date la réserve de la DGA ?
La DGA a accompagné le mouvement en 2005 en intégrant notamment les anciens réservistes des « poudres » (qui constituent environ le tiers de notre réserve citoyenne) et quelques volontaires de haut niveau.

Après un peu plus de 10 ans d’existence, la DGA possède une grosse centaine de réservistes citoyens, répartis à parts égales entre des jeunes qui ont vocation à rejoindre la réserve opérationnelle, des professionnels d’un haut niveau d’expertise qui s’intéressent aux questions d’armement, et des anciens, par exemple de plus de 71 ans qui ne peuvent plus être réservistes opérationnels… Ils sont utiles pour faire la promotion de la DGA et de l’esprit de défense et pour apporter ponctuellement de l’expertise et du conseil.

Nous avons aussi une centaine de réservistes opérationnels, en particulier des anciens off ciers des corps de l’armement, mais aussi des civils de la DGA en activité, à qui l’on donne le statut militaire lorsqu’ils sont appelés à intervenir sur des théâtres d’opérations ou dans des territoires dangereux, ou à la retraite à qui l’on conf e des tâches d’expertise. La cible principale reste des civils sans passés militaire et sans lien avec la DGA, souhaitant participer à la défense de leur pays. Rien qu’en 2016, nous avons reçu plus de 500 demandes spontanées pour de la réserve ! Nous recrutons une vingtaine de personnes par an, plutôt des professionnels chevronnés à qui on donne tout de suite un grade élevé pour accomplir des missions d’expertise.

Quelques exemples de missions : envoi de civils dans des zones peu sûres comme à Niamey pour faire des essais sur Reaper ; animation de journées défense et citoyenneté ; accompagnement de délégations lors des salons d’armement ; mais le cœur des métiers reste l’expertise fonctionnelle ou technique au sein des équipes de la DGA (navigabilité des aéronefs, sûreté nucléaire, …).

La CAIA : La réserve armement, comment ça marche ?
La DGA, gestionnaire des corps des IA et des IETA a la main ; elle décide du recrutement et de l’emploi de ses réservistes. Chaque armée possède de même sa propre réserve de volontaires ayant signé un contrat de 1 à 5 ans renouvelable et les emploie comme des vacataires militaires en fonction des besoins. Pour la DGA, les besoins sont exprimés par les employeurs internes mais la gestion est assurée par la DRH (il y a 2, 5 ETP pour gérer cela).

Avant que vous me posiez la question, je précise que la rémunération se fait à un taux journalier de 1/30ème de la solde de l’OCA d’active de même grade (non imposable). A titre d’information, un IC1ETA touche environ 180 € nets par jour, souvent cumulable avec son salaire s’il est salarié et avec sa retraite.

Le standard d’emploi est de 30 jours par an. 15 % de l’effectif peut monter à 60 jours ou davantage pour des experts indispensables.

C’est également le gestionnaire qui paie les RCS, même si le réserviste est employé dans une autre armée ou un autre organisme. Aujourd’hui, près de 20 % du budget part pour des emplois hors DGA. On pourrait même envisager de faire travailler des réservistes dans des entreprises avec convention de remboursement si on nous le demandait… À noter que l’on ne peut être réserviste que dans une seule armée. Certains anciens OCA radié des cadres ont ainsi choisi de faire partie de la réserve de l’armée de terre ou de la marine.

La CAIA : Comment es-tu arrivé là dedans et qu’y as-tu trouvé ?
Quand j’ai candidaté il y a trois ans pour un poste à la DRH, c’est la fonction de secrétaire général du conseil de la fonction militaire (CFM) DGA que je visais. J’ignorais même l’existence de la réserve militaire… Mon premier souvenir marquant est d’avoir assisté à un conseil d’administration de l’association de réservistes conventionnée par la DGA (l’AORCA). On a fait un tour de table, chacun s’est présenté et ça a été une révélation pour moi de découvrir tant de compétences, d’enthousiasme, de volonté d’engagement et de servir. Côté administration, la situation était plus préoccupante : retards de paiement des soldes, absence d’avancement, de récompenses et de décorations... On a travaillé avec acharnement et rétabli la situation du moins pour ce qui incombe à la DGA. Ma dernière grande satisfaction aura été de remettre des médailles des services militaires volontaires « échelon or » lors de notre voyage de f n d’études à Toulon en mai 2017 à des réservistes qui cumulaient pour certains plus de quarante ans d’engagement.



L’IGA Norbert Fargère qui nous a quittés le 26 juillet 2017 était l’un des artisans de la mise en place de la réserve militaire de la DGA et de sa montée en puissance. Il y était resté très attaché et manquait rarement les activités organisées au prof t des réservistes. Il avait notamment participé aux premiers trophées du poudrion, un concours de tir aux armes de poing et pistolets mitrailleurs et un grand moment de conviviabilité. C’est très naturellement qu’il a été décidé de donner le nom de Norbert Fargère au trophée remis chaque année à cette occasion au lauréat du concours. Cette année le stand de tir était en travaux, un démontage d’armes chronométré a remplacé le tir et le trophée a été remis à Claude Chenuil. Chacun pourra ainsi aller le voir dans son bureau !


La CAIA : Quels conseils donnerais-tu à un IA voulant devenir réserviste ?

Par défaut, un IA fait partie de la réserve de disponibilité pendant 5 ans après son départ, mais il est très préférable qu’il prenne l’initiative s’il souhaite réaliser des activités de réserviste. Qu’il reste en contact avec les personnes de la DGA susceptibles d’avoir besoin de lui, leur propose ses services et informe la DGA de ses changements d’adresse.

Il y a plusieurs conditions à respecter pour pouvoir souscrire un contrat (CESR) : une demande d’un employeur qui souhaite confier au volontaire des activités dans la réserve ne le mettant pas en conflit d’intérêt, avoir moins de 71 ans et être en bonne santé (nous discutons avec le CSRM pour assouplir ces conditions en appliquant un SIGYCOP tenant compte de l’âge et de l’emploi…)

Vis-à-vis de son employeur « civil », un réserviste a droit à au moins 5 jours de disponibilité par an (congés exceptionnels). On observe couramment une tolérance de 15-20 voire 30 jours dans certaines entreprises partenaires des armées.

La CAIA : Que dire à un cadre de la DGA ayant des besoins d’expertise fonctionnelle ou technique dans son service ?
Plutôt que de faire appel à des consultants onéreux prenez et faites travailler des réservistes ! Beaucoup de chefs de services sont restés en retrait à cause d’une malheureuse opération de gel du budget des réservistes en 2013 car on craignait des dépassements sur le Titre II. Cela est complètement dépassé, et au contraire, c’est votre intérêt d’en prendre : ils ne font pas partie des effectifs, ne coûtent rien de plus à l’employeur direct que les frais de déplacement, et sont faciles à embaucher comme à débaucher ! C’est comme du vacataire que vous selectionnez. J’aimerais que cela permette à de nombreux OCA de rester en lien et de faire bénéficier la DGA de toute leur expertise ! Cela coûte néanmoins au titre II de la DGA et il faut veiller au niveau et à la valeur ajoutée des activités demandées.

La CAIA : Finalement, ce serait un peu un moyen d’endosser le rôle de Jack Ryan dans les romans de Tom Clancy…
Je ne voudrais pas trop faire rêver, et même si certains réservistes auront « à en connaître », ce ne seront jamais des agents de renseignements et tous ne finiront pas président des Etats-Unis. Par contre, la réserve, c’est aussi une communauté au sein de laquelle on peut faire des rencontres enrichissantes et inattendues. Cette communauté est réunie trois fois par an pour un cycle de conférences et de visites sur une thématique annuelle déf nie par le délégué aux réserves. D’autres activités sont également organisées par l’AORCA. La dernière en date a eu lieu à l’IRCGN à Pontoise lors de laquelle le premier trophée « Norbert Fargère » a été remis à l’IGA Claude Chenuil.

Propos recueillis par Jérôme de Dinechin

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