UNE COMMISSION D’ENQUÊTE EXCEPTIONNELLE SUR UN DOMAINE RÉGALIEN PAR NATURE : L’ÉNERGIE
LE DEVOIR DES INGÉNIEURS : FAIRE FRUCTIFIER LEURS TALENTS ET LES METTRE À LA DISPOSITION DE LA FRANCE
La Commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur « la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France » a auditionné pendant 150 heures, 88 personnalités qui ont contribué à définir et mettre en œuvre la politique énergétique française durant ces trente dernières années, et produit en mars dernier un rapport de 500 pages.
La publication de ce rapport intervient à un moment clé où la France doit décider du contenu de sa première Loi de Programmation Energie et Climat, attendue à l’été 2023, et projeter à l’horizon 2050 ses objectifs de décarbonation de son économie, tout en s’attachant à renforcer sa souveraineté énergétique et industrielle. Ses nombreuses recommandations résonnent comme une prise de conscience de la criticité de notre situation future, avec une consommation électrique nationale attendue pour croître fortement d’ici 2050 à des fins de substitution aux énergies fossiles, ceci dans un contexte de vieillissement du parc nucléaire historique.
Les propos du rapporteur, Antoine Armand, sont clairs:
« Le récit qui s’est reconstitué devant nous, c’est bien le récit d’une lente dérive, C’est l’histoire du lien souvent défaillant, parfois même inexistant, entre expertise scientifique et technique, instruction des dossiers et décision politique.
C’est aussi l’histoire de décisions souvent partielles ou différées, voire contradictoires, pour des raisons parfois compréhensibles quand on se replace dans le climat de l’époque, mais qui ont conduit à des retards coûteux.
Après trois décennies de divagation énergétique et alors que la sobriété, la relance de l’énergie nucléaire et l’accélération des énergies renouvelables sont toutes les trois enfin sur la table de nos politiques, ce rapport appelle donc à tourner la page de nos errements et à en tirer toutes les leçons pour affronter les yeux grands ouverts l’urgence énergétique. »
Une des auditions qui aura marqué cette commission d’enquête est celle d’Yves Bréchet, membre de l’Académie des Sciences et ancien Haut-commissaire à l’énergie atomique de 2012 à 2018. Concernant le rôle que doivent jouer les ingénieurs, il indique : « il faut réindustrialiser ce pays, il faut réattirer les jeunes vers des formations techniques, y compris en les payant bien ; quand un pays comme la France fournit un enseignement essentiellement gratuit, les ingénieurs ainsi formés ont un devoir vis-à-vis de ce pays, c’est de mettre à sa disposition leurs talents qu’ils n’ont pas le droit de ne pas faire fructifier ! »
Focus sur l’audition de trois camarades :
1/ Maitriser la chaîne de valeur des secteurs stratégiques
Thomas Courbe, directeur général des entreprises, a fait état de travaux de structuration de la politique de réponse aux vulnérabilités engagés depuis 2019 et a affirmé que les secteurs stratégiques et les chaînes de valeur associées sont désormais mieux identifiés, notamment dans les six secteurs stratégiques, dont les moyens de production énergétique, définis lors du sommet de Versailles de mars 2022 et pour lesquels l’Union européenne a souhaité se doter de moyens de production en Europe.
2/ Aborder la sous-traitance sous l’angle du partenariat
Luc Rémont, président-directeur général d’EDF, a précisé que « jusqu’à 10000 personnes peuvent travailler sur un chantier EPR, ces personnes représentant des savoir-faire, des corps de métiers, parfois des compétences, voire des technologies, qui ne peuvent pas se trouver dans une seule entreprise. Il faut mobiliser une filière industrielle dans un chantier qui doit être parfaitement orchestré. C’est l’enjeu principal de l’intégration d’un grand chantier de type Flamanville et de l’ensemble des EPR qui sont construits et cette mobilisation de filière doit être partenariale. La notion de sous-traitance est celle à quoi on arrive quand on n’a pas organisé la filière. »
3/ Se donner les moyens de maîtriser sa base industrielle
Bernard Fontana, Président et CEO de Framatome, qui intervient sur près de 380 des 450 réacteurs nucléaires dans le monde, a souligné, s’agissant de l’EPR, la complexité à maîtriser une chaîne industrielle de soudage, qui fait intervenir des tuyaux, des matériaux d’apport, des procédés de soudage, des soudeurs, des procédés de contrôle et des contrôleurs. Indiquant que « si on change un des paramètres, on est à grand risque », à plus forte raison si on change l’ensemble, car d’expérience, « régler une chaîne de soudage, ça prend 3 ans ».
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